Kusama, obsessions, amours et art

Y ayoi Kusama est une des rares artistes contemporaines, comme Andy Warhol ou Yves Klein, dont l’œuvre a su transcender les époques et les sociétés. Que l’on connaisse son nom ou pas, tout le monde a été confronté à son travail, d’une façon ou d’une autre. Outre une imagination et une vision incroyables et toujours renouvelées, son existence forme aussi un témoignage de son temps. Née au Japon en 1929 dans une famille bourgeoise, elle a dû lutter pour pouvoir s’émanciper et oser casser le cadre rigide des conventions. Cela s’est fait au prix d’énormes efforts sur elle-même et au détriment de sa santé psychique. Souffrance intérieure qu’elle n’a jamais cachée, brisant ainsi un autre tabou, celui des maladies mentales. Vaillante malgré tout, elle continue, à quatre-vingt-dix ans passés, de créer inlassablement et d’interroger les esprits à travers la planète.

Dans Kusama obsessions, amours et art, Elisa Macellari retrace la trajectoire de la peintre tout en tentant de mettre de l’avant l’origine ou les évènements qui ont participé à la genèse de son style si reconnaissable. Lacunaire par manque de place, l’ouvrage se concentre particulièrement sur la période new-yorkaise, durant les années soixante, quand la Japonaise intégra et participa pleinement à la contre-culture et aux divers mouvements en vogue (droits civiques, féministe, pacifiste) avec des performances provocantes et autres coups d’éclat plus ou moins habillés. Déjà connue dans le cercle fermé de l’Art, elle devient une figure marquante et clivante. Elle souffre ensuite d'une grave dépression et retourne au Japon où elle se fera volontairement interner pendant plus de quinze ans. Oubliée de tous, elle revient sur le devant de la scène au début des années quatre-vingt-dix avec de nombreuses expositions et commandes montrant qu’elle n’avait jamais arrêté de créer et d’explorer.

Là où les installations de Kusuma brillent de mille feux (de milliards plutôt), les dessins et les couleurs de Macellari s’avèrent réservées, voire ternes. La dessinatrice a préféré la simplicité et la retenue pour son ouvrage. Cette approche respectueuse est compréhensive, mais un peu trop fermée, bien loin du sentiment d’infini qu’a toujours recherché la protagoniste principale. Le trait sobre et le découpage très ouvert sont néanmoins agréables à suivre et d’une grande lisibilité.

Plus proche de l’évocation que de la biographie pure et dure ultra-détaillée, Kusama obsessions, amours et art est une porte d’entrée idéale pour celle ou celui qui voudrait en savoir plus à propos de qui se cache derrière ces océans de petits points colorés qui hantent cette œuvre hors-norme.

Moyenne des chroniqueurs
6.0