Effet miroir

L ouis, héritier prospère, récemment séparé, se détend en faisant son jogging quotidien dans la forêt de Bercé. Il est soudainement pris en chasse par un motard. L’homme, entièrement vêtu de noir, à l’exception de la visière de son casque qui reflète l’environnement, apparaît terrifiant avec son air de Dark Vador. Il terrorise le sportif et l’affrontement se transforme en véritable corrida. Le héros tente d’abord de confronter son agresseur, avant de le fuir. Il ignore son identité ; son tortionnaire semble toutefois tout savoir de lui. Le motocycliste ne l’a de toute évidence pas choisi au hasard.

Auteur prolifique (entre autres de La ballade du bout du monde et des premiers Jérôme Bloche), Makyo signe un suspens qui fait inévitablement penser à Duel, le premier film de Steven Spielberg où un chauffeur de camion pourchasse un automobiliste. Le lieu et les circonstances demeurant banals (une fin de journée dans un bois de la Sarthe), le lecteur s’identifie au protagoniste. Il comprend son anxiété et ressent sa terreur. La confrontation, en grande partie muette, est bien amenée et gérée pour faire monter la pression dans un récit somme toute minimaliste. Le dernier acte s’avère malheureusement décevant. L’explication est convenue et le stratagème alambiqué du délinquant ne convainc pas. La conclusion heureuse est pour sa part en rupture avec la tonalité de l’album, jusque là beaucoup plus sombre.

Le dessin de Laval NG constitue une belle réussite. Tout y est violence. Au premier chef, son travail à l’aquarelle avec une abondance de rouge (celui des feuilles d’automne et du vêtement de l’acteur principal) et de couleurs foncées donnent le ton. Ensuite, la multitude de séquences sans texte qui s’étendent souvent sur plusieurs planches, soulignant ainsi le long écoulement des minutes. Enfin, la variété des plans contribue elle aussi à exacerber la tension. L’artiste passe fréquemment d’une vue d’ensemble très vaste à un cadrage serré (et vice versa), présente successivement le coureur d’un grand nombre de points de vue pour ainsi accentuer l’effet de panique, puis insiste sur des angles obliques et déstabilisants. Pour tout dire, il transpose avec bonheur les codes du cinéma au neuvième art.

Un exercice de style globalement réussi, peut-être le scénariste aurait-il dû résister à l’envie d’offrir toutes les réponses.

Moyenne des chroniqueurs
7.0