Inanna Djoun Inanna Djoun au pays des Français

S tupéfait de n’avoir écrasé personne en entrant dans le musée départemental d’archéologie de Babylone avec son char, l’adjoint au Maire chargé de la culture exige d’Inanna Djoun qu’elle redynamise le site. Le responsable politique lui accorde seulement une lune pour bâtir une exposition exotique. Une seule solution s’offre à la scientifique, partir sur le champ à destination d’un territoire sauvage d’Europe blanche. Il paraît qu’au septentrion d’Andorre se trouve une province nommée France. Les gens racontent que ce lieu regorge de mystères et de trésors. C’est décidé, la « savanturière » embarque pour Clermont-Ferrand !

B-gnet accroche à son tableau de chasse un pastiche de plus. Après avoir écorné le western tant au nord des grands lacs (Old Skull) qu’au sud du Mississipi (Santiago), après avoir désarçonné l’Héroïc fantasy façon Tolkien et consorts de son hilarant Santiagolf du Morbihan, ou encore après avoir ébouriffé les houppettes des sommités du neuvième art au court de l’inénarrable Lutin Spirix, l’auteur lyonnais s’attaque aux récits d’aventure. Pour ce faire, il féminise une célèbre figure du genre et décide de renverser la table. Là où l’appel des découvertes poussent Indiana Jones à prospecter en Orient, Inanna Djoun se rend en Occident à la recherche d’artefacts pittoresques. L’héroïne, rapidement secondée par Demi-Pêche, ne va pas être déçue du voyage. Entre la tribu des gilets jaunes et celle des chasseurs, les déplacements en 4L et les expériences culinaires à base de champignons et d’aligot, tout n’est que dépaysement !

En imaginant un héros archéologue, le tandem formé par George Lucas et Steven Spielberg était désireux de rendre un vibrant hommage au courant serial, caractérisé par un univers récurrent et feuilletonesque. Les cinéastes se sont alors ouvertement inspirés du comics Jim la Jungle d’Alex Raymond, des nombreux longs-métrages de Zorro adaptés des nouvelles de Johnston McCulley et, bien entendu, des péripéties de Tintin. Découpé en huit chapitres, le scénario de B-Gnet détourne donc justement les tribulations du reporter belge. L’artiste en profite également pour réaliser autant de réinterprétations des couvertures phares de Hergé, dont les compositions reprennent les grandes masses des œuvres originales.

En adéquation avec le détournement qu’il opère, l’illustrateur produit une pépite de première de couverture. Il s’approprie le visuel d’Indiana Jones et la Dernière Croisade conçu par l’affichiste Drew Strusan en 1989 ainsi que la topographie du désigner Richard Amsel proposé en 1981 à l’occasion de la sortie du premier épisode de la saga (Les Aventuriers de l’Arche Perdue). Bienvenue, cette relecture installe à la fois les protagonistes qui bénéficient d’un tirage de portrait abouti et reprend des cases d’action à la manière d’une bande-annonce. À l’intérieur de l’ouvrage, le bédéiste abandonne son trait ligne clair de ses parutions jeunesses (Glouton, WafWaf et Captain Miaou) et adopte un pinceau légèrement charbonneux déjà éprouvé au cours de ses nombreuses singeries. Il destine l’ensemble de ses représentations à la parodie, cherchant davantage à émouvoir par ses idées désopilantes que par la beauté de ses images.

Pré-publié en séquences par le magazine Fluide Glacial, Inanna Djoun au Pays des Français a été pensé comme un album complet. De facto, la rythmique des gags ne coïncide pas nécessairement avec la chute des scènes. Mais, rassurez-vous, l’Umour et la Bande dessinée demeure au rendez-vous à chaque page !

Moyenne des chroniqueurs
5.7