Dans mon village, on mangeait des chats

Ne le dites à personne, dans mon village, on mangeait des chats. Et oui, bien malin celui qui aurait soupçonné le subterfuge du père Charon avec son fameux pâté de foie pour lequel les gourmets n'hésitaient pas à faire de longues distances. À la fois le boucher et le maire du village - et bien d'autres rôles encore - «La Charogne» avait l'ascendant sur les habitants, pas un pour broncher. Puis, un jour, il a disparu... Mon nom à moi, c'est Jacques ; je n'ai que quatorze ans mais, attention à celui qui me cherche, car, même si je ne ressens pas la douleur, la haine a déjà envahi mon âme.

Philippe Pelaez, en véritable touche-à-tout, surprend de nouveau son lectorat en abordant un registre relativement différent de ses œuvres précédentes (Parallèle, Maudit sois-tu, Puisqu'il faut des hommes…). Il propose cette fois un récit très sombre, réaliste et violent à savoir, la naissance d'une graine de criminel issue d'un trou paumé de campagne. En tirant parti de sa maladie congénitale et grâce à son audace insolente, sa ruse et sa compréhension précoce du monde des adultes, il va se hisser aux côtés des petites frappes et créer son propre réseau. La colère rentrée du personnage principal est canalisée et utilisée dans le but de parvenir à ses fins. Un portrait très bien construit, progressivement, à l'aide de la voix off notamment. Le héros à la personnalité borderline est finalement amoral, mais toute l'adresse du scénariste consiste à montrer l'éclosion de ce malfrat, de sa jeunesse à l'âge mûr, ses coups bas et ses fêlures. Résultat : le lecteur développe une certaine empathie pour lui.

Loin de miser sur l'esthétisme, Francis Porcel (Bouffon, Chevalier Brayard, Les folies Bergère) préfère donner du caractère et de l'impact à cette intrigue douce-amère. Ce dessinateur a toujours juste dans sa mise en couleurs, compose avec des tons naturels qui renforcent le côté terroir et installent des ambiances appropriées.

Avec ce titre intriguant, les auteurs appâtent sans tromper le chaland ; qu'il soit rassuré, la qualité est au rendez-vous.

Moyenne des chroniqueurs
7.0