GoSt 111

G oran Stankovic n'a rien d'un truand. Chauffeur, il vit avec sa mère et sa fille de six ans lorsqu'il perd son permis et par la même, son emploi. Le destin va alors lui faire croiser la route d'Alex Lemaître, officier de police judiciaire. Avec sa gestion à l'ancienne et son indépendance, ce super flic va mettre à contribution le père de famille paumé. Goran Stankovic devient GoSt 111 et doit désormais fournir des infos intéressantes s'il veut éviter la taule et ne pas tout perdre. Il va falloir jouer serré et être efficace, car son interlocuteur a sur le dos une nouvelle supérieure, Marion Diaz. Celle-ci réclame avec force un véritable planification et un suivi rigoureux des affaires en cours.

Issu de l'association d'Henri Scala, commissaire toujours en activité, et du journaliste-cinéaste Mark Eacersall Pop Rédemption, cette histoire relate l'envers du décor de la collaboration entre indics plus ou moins officiels et services de police judiciaire. Pour compléter le trio, l'auteur Marion Mousse se charge de la partie graphique et accompagne les deux néophytes pour leurs premiers pas dans le neuvième Art. Ensemble ils offrent une plongée prenante et documentée dans un milieu connu, mais par un angle original, celui de l'indicateur. Le propos comme le trait vont à l'essentiel. Au style lâché et efficace de Marion Mousse, les événements, le rythme auquel ils s'enchaînent et le naturel des scènes répondent judicieusement. Avec ses aplats qui jouent de l'obscurité pour poser des ambiances sombres et nerveuses, le dessinateur donne une force palpable à chaque séquence. Leur (anti)héros n'a rien d'un gentil mais son fond n'apparaît pas totalement méchant. Taciturne, dur au mal, ce n'est pas un mauvais bougre, mais il a tout du type qui, en étant au mauvais endroit au mauvais moment, se retrouve embarqué dans un engrenage qui pourrait bien le dépasser rapidement.

Les racailles de la cité, le flic aux méthodes à l'ancienne, l'ex qui ne lâchera rien et une puce adorable, les personnages qui gravitent autour des deux antagonistes principaux défilent à folle allure. Très bien caractérisés, avec ce qu'il faut d'exagération pour se révéler marquants, drôles ou flippants. Au milieu de ce tourbillon d'action, de coups de pression, de faux-semblants, de vraies balances et d'amis versatiles, la tension, bien mise en valeur par les choix de mise en scène du dessinateur de Brune Platine, des cadrages au découpage, ne cesse de croître jusqu'au dénouement. À mesure que Goran, et le lecteur avec lui, s'immerge dans ce monde, en découvre ses codes et apprend à y nager, la fluidité de la narration emporte. Crédible et réaliste, tout en restant une fiction, cette aventure donne une vision tangible de la complexité de la délinquance et de son traitement dans la société française aujourd'hui. Les dialogues, à l'impact renforcé par l'absence de texte narratif, sont ciselés. Les silences bien posés et le séquencement, grâce notamment à des ellipses utilisées à bon escient, donnent toute leur mesure à cette vue de l'intérieur.

Haletant de bout en bout, GoSt 111 respire autant la poudre que l'authenticité. Un récit tendu et plein de rebondissements au point de ne pouvoir le lâcher avant d'avoir lu les deux cents planches d'une traite.

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Moyenne des chroniqueurs
7.0