De l'autre côté de la frontière

F rançois Combe, auteur de polars, vit dans le sud des États-Unis avec son épouse, son assistante/maîtresse et la boniche mexicaine qui refuse ses avances. Il traverse à l’occasion la frontière pour se rendre au Cielito Lindo, un bordel, où il prend notes et photos en vue d’un prochain roman. Lorsqu’un tueur entreprend d’assassiner des prostituées, il est en pays de connaissance. Les policiers croient en la culpabilité de Jed Petersen, un riche fils à papa qui s’avère être le dernier a avoir acheté les services de la putain. Passant de la théorie à la pratique, l’écrivain mène l’enquête afin de disculper son ami.

Jean-Luc Fromental porte un regard sur les tensions raciales dans une contrée où celui qui a le teint basané demeure un chouïa en deçà de son voisin à la peau plus pâle. Le scénario discute également de rivalités ancestrales entre les familles de grands propriétaires terriens, lesquelles voient leur prospérité mise à mal depuis que les gens de couleur se sont affranchis. La structure de l’intrigue apparaît convenue : un, deux, puis trois meurtres, quelques indices, les soupçons pointent vers l’un, puis vers l’autre. Le dénouement est certes imprévisible, mais il est néanmoins cohérent avec le climat social des années 1940, celui de la fin d’une époque, présenté en parallèle avec le crépuscule des couple du romancier et du suspect.

Le tandem de limiers convainc : un Français, théoricien du crime, s’associe à sa domestique. Native du bled où se trouve la maison close, elle réside au pays de l’oncle Sam; celle-ci connaît les deux cultures, les milieux aisés et les pauvres, les catins et leurs clients, ce qui fait d’elle une alliée de taille pour celui qui joue au détective privé.

Fidèle à lui-même, Philippe Berthet propose un travail impeccable, d’aspect rétro, très influence par la ligne claire. Le dessin réaliste se révèle un peu froid, mais il y a tout de même quelque chose de séduisant dans son coup de pinceau. Les femmes sont magnifiques et les décors parfaits. La prise de vue demeure assez classique avec de nombreuses séquences constituées d’une plan d’ensemble, suivi d’un plan moyen et d’un plan rapproché, et il arrive que ce soit l’inverse. Aux couleurs, Dominique David adopte une palette sobre avec beaucoup de teintes pastel. Elle fait preuve d’une amusante créativité avec ses ciels turquoise, beiges, oranges, mauves... et parfois bleus.

Un récit soigné, peut-être un trop court, mais d’une lecture fort agréable.

Moyenne des chroniqueurs
6.7