KiloMètre Zéro 1. Une épopée ferroviaire

A u début de l’ère industrielle, les Koechlin règnent sur l’économie de Mulhouse. Pour tenir tête à la concurrence, ils maintiennent les salaires très bas, tellement que les parents doivent compter sur les revenus de leurs gamins, parfois à peine âgés d’une dizaine d’années, pour boucler leur budget. Nicolas, le patriarche voit grand. Il a l’ambition de construire deux chemins de fer ; un premier entre sa ville et Thann et un second entre Strasbourg et Bâle ; ce dernier constituera la toute première ligne internationale. Il planifie de confier sa filature à l’un de ses fils, Ferdinand, et mise sur son autre garçon, Léo, pour prendre en charge la construction et l’exploitation du rail. À l’écart des affaires, son troisième enfant, Salomé, se montre sensible à la condition des ouvriers. Elle leur apprend à lire et dénonce leur sort dans L’industriel alsacien.

Qui dit révolution industrielle dit habituellement Londres, Paris ou New York. Il est moins fréquemment question des capitales régionales ; les enjeux s’y avèrent sensiblement les mêmes, à cette différence que le pouvoir économique est concentré entre peu de mains. Bien qu’elle soit publiée avec le concours de la SNCF, cette bande dessinée, signée Stéphane Piatzszek, présente avant tout un drame social dont les acteurs sont les membres d’une famille et les gens qui gravitent autour d’eux. Trois tomes sont prévus ; c’est a priori relativement court, tant les protagonistes et la matière sont riches. Le canevas (lutte des classes et tensions intergénérationnelles) est certes connu, mais les personnages sont attachants et le lecteur souhaite mieux découvrir leurs destins.

Florent Bossard propose pour sa part un agréable dessin réaliste. L’artiste semble partir d’un crayonné qu’il colorie de belle façon, avec une abondance de teintes très foncées. Certains éléments paraissent tracés au fusain, créant ainsi d’intéressants jeux d’ombres, notamment pour dépeindre la crasse sur le visage d’un tâcheron qui passe ses journées à pelleter du charbon. C’est d’ailleurs sur les portraits que l’illustrateur s’est le plus attardé. Les usines et les locomotives ne sont pas complètement absentes, mais là n’est pas le véritable objet de ce livre.

Une épopée ferroviaire évoque des sujets qui, près de deux siècles après les événements, sont toujours d’actualité, parmi lesquels les droits des femmes, ceux du prolétariat ou encore la course à l’innovation. Comme quoi les récits historiques sont bien souvent le miroir de notre propre époque.

Moyenne des chroniqueurs
7.0