Tif et Tondu Mais où est Kiki ?

A uteurs d’un roman inspiré de l’existence de l’antiquaire à scandale Goret de Saint-Guy, Tif et Tondu participent à une séance de dédicace. Celle-ci se transforme subitement en pataquès quand ils apprennent la disparition de leur amie Kiki et que Gisèle Goret de Saint-Guy, la fille du héros sur lequel est basé leur livre, débarque pour demander de l’aide afin d’innocenter son père. Qui dit vrai ? Qui dit faux ?

Depuis Le petit Christian et encore plus avec Variations, la passion de Blutch pour la BD de l’âge d’or est bien connue. Il s’offre, en compagnie de son frère Robber, un ouvrage plaisir avec Mais où est Kiki ?, une recréation personnelle pleine de panache à peine entachée de nostalgie des aventures de Tif et Tondu. Reste la question cruciale du comment. Ça ne sera pas un reboot ou un coup éditorial, la notoriété du titre et la trajectoire artistique du dessinateur n’y invitent pas. Une réinterprétation alors ? Oui, évidemment, mais, surtout, une tentative pour faire revivre l’émotion des lectures d’enfance.

Les deux amis ont été détectives et aventuriers, il y aura donc des pistes à remonter et de l’action. À une époque, ils ont flirté avec le fantastique, il faudra penser à en mettre un petit peu. Le plus important, c’était des camarades, presque des frères. L’un est plus posé, l’autre carrément fantasque, leurs différences les complètent et sont l’excuse pour de mémorables échanges et chamailleries. Cette dynamique est centrale dans la collection et elle doit être mise de l'avant. Le méchant ? Choc est pris ailleurs, il sera néanmoins mentionné, ça serait dommage de l'oublier. À la place, il y en aura d’autres, pas aussi formidables, mais bien campés quand même et, c’est obligatoire, avec de l’esprit. Et puis, de l’énergie, des poursuites et des coups de théâtre improbables. Il faut que ça file et que ça court sans répit.

Soixante-quinze pages plus tard, pas de doute, le programme a bien été suivi. Bon, le scénario aurait pu être un peu mieux boulonné ici ou là, la fin se montre abrupte et certaines scènes détonnent légèrement. Oui et alors ? Quelle maestria dans la réalisation ! Depuis le Tardi des grandes années, Paris et sa banlieue n’ont pas été aussi bien dépeintes. Et quels dialogues brillants ! Les planches pétillent de vie ; premiers, deuxièmes rôles ou simples passants, toute la distribution participe pleinement à l’histoire avec envie et malice.

Mission totalement réussie pour Blutch et Robber, sans rien éluder de leur talent et style respectif, ils offrent un véritable album de Tif et Tondu. Certes, celui-ci ne ressemble visuellement pas beaucoup aux précédents. Par contre, impossible de se tromper, tout ce qui fait l’essence de la série est bel et bien présent.

Moyenne des chroniqueurs
7.0