Elle qui se laissait dévorer

L a toute première case d’Elle qui se laissait dévorer présente un pot de fleurs brisé. Le ton est donné, le reste de la planche montre d’ailleurs une adolescente sur le point de se lancer dans le vide. Qu’est-ce qui a pu amener Shih-Jhen à envisager le pire ? Pour des raisons nébuleuses, la jeune femme est victime de taquineries, qui se transforment en menaces, puis en accusations de vol. La souffre-douleur s’isole et ne voit plus comment s’en sortir.

A priori, le sujet du harcèlement en milieu scolaire n’est pas vraiment nouveau (13 reasons why, Carrie et pourquoi Harry Potter). Le scénario, tiré d’une courte histoire écrite par Godwind Hsu, a l’originalité d’amalgamer l’anecdote avec le mythe chinois du tapir dévoreur de rêves. La nuit, l’animal, facétieux et bienveillant, se nourrit des rêves de l’héroïne, alors que ses camarades de classe, acariâtres, font de même le jour. Rien n’est à jeter dans cet opuscule ; ainsi, une brève scène, évoquant la mésaventure d’un enseignant, s’avérera fondamentale, même si au premier abord elle apparaît superflue. L’oubli, la fuite et le pardon sont au cœur du projet.

La Taïwanaise 61Chi (c’est son nom d’artiste) s’en tient à un crayonné relativement sommaire ; cela dit, les personnages se révèlent tout de même expressifs. Les codes demeurent avant tout ceux du manga, mais il n’y a pas que cela, l'artiste a d'ailleurs déjà été en résidence à la Maison des auteurs à Angoulême, où elle s'est appropriée les codes du neuvième art à la sauce franco-belge. L’album est en noir et blanc, les première et quatrième de couverture portent cependant à croire que le passage à la couleur pourrait être très réussi.

L’éditeur fait bien les choses, en plus de la bande dessinée de 30 planches, il propose le texte complet de la nouvelle, quelques pages de croquis et une entrevue dans laquelle la bédéiste discute de sa démarche.

Un récit touchant, qui se termine sur une note d’espoir et qui n’est pas moralisateur.

Moyenne des chroniqueurs
7.0