Thérapie de groupe 1. L'étoile qui danse

M anu Larcenet est foutu, liquidé, à sec, essoré. Plus la moindre idée ne germe dans son cerveau naguère génial. L'artiste autrefois adulé n'est plus que l'ombre de lui-même. Il tente bien de préserver les apparences, faire bonne figure devant ces vautours de journalistes et ces fans voraces. Mais le vernis craque. Le miroir se brise, révélant une fêlure béante, un chaos assourdissant. Et la création, dans tout ça ?

L'autofiction autodestructrice, tendance poilade, semble être un sujet que l'auteur de Blast explore plus souvent qu'à son tour. Avec Ferri, il avait déjà mis en scène un double de papier sur le mode bucolique et tendre dans Le retour à la terre. La même équipe avait proposé une variation ésotérico-initiatique dans Le sens de la vis. Cette fois en solo, le dessinateur opte pour la voix psychanalytique, renouant avec les récits autobiographiques sans concessions, comme ceux qu'il a réalisé pour sa structure éditoriale Les Rêveurs (Presque, L'artiste de la famille...).

Surtout, il revient à l'humour franchement con et vachard. Le récit est rythmé par les tentatives désespérées de l'auteur à dénicher l'Idée du Siècle : l'étoile qui danse surgissant du chaos intérieur de l'Homme. C'est beau, c'est du Nietzsche.

La jouissance de Larcenet est évidente. Que ce soit lorsqu'il maltraite son alter égo, qui tient plus des fantasmes qui circulent à son sujet que d'une quelconque réalité (espérons-le, du moins), ou lorsqu'il délire sur la bande dessinée (sa parodie de Fabcaro, son essai sur l'esthétique manga...). Sauf qu'il ne suffit pas d'empiler les gags pour construire une bonne bande dessinée. Le second degré ne fonctionne que s'il repose sur une base solide. Thérapie de groupe est efficacement structuré par la succession d'ébauches de nouveaux chefs d’œuvre avortés et de "voyages initiatiques". Derrière l'humour burlesque des situations, on retrouve aussi une vraie réflexion sur l'art et le processus créatif. A ce titre, sa rencontre avec Cézanne vaut son pesant de cacahuètes, mais pas que... derrière la déconne, l'artiste pointe le bout de son nez (rouge).

Et, accessoirement, c'est très bien foutu graphiquement. Au terme de ce tome, si l'aspect thérapeutique est clair, le groupe n'était pas encore très présent. La dernière planche laisse présager que la suite introduira sans doute d'autres personnages plus ou moins directement inspirés de la réalité. Par contre, les rires sont bien présents.

Moyenne des chroniqueurs
6.8