Paul 9. Paul à la maison

D epuis vingt ans, Michel Rabagliatti raconte les aventures de Paul, son alter ego. Bondissant d’une époque à l’autre, il dévoile, dans le désordre, des tranches de la vie du garçon né au début des années 1960. En toile de fond, il dépeint également la petite histoire de Montréal et du Québec. Dans ce neuvième opus, l’action se situe en 2012.

Il y a un bon moment que le lecteur a compris que le blondinet et son créateur ne faisaient qu’un, mais la chose est maintenant claire : le protagoniste est auteur de bandes dessinées et il vient de lancer Paul au parc dont il fait la promotion. Dans ce nouvel épisode, il voit ses trois femmes le quitter : son épouse rompt, sa fille lui annonce son intention de vivre à Londres et, enfin, sa mère meurt du cancer. Fini l’insouciance, l’homme broie du noir. Et, cerise sur le gâteau, il a une tonne de soucis de santé.

La trame se révèle simple, le gaillard est seul, il a perdu pied et il vivote comme il le peut. Ce sont les détails qui pimentent la narration : l’explication schématique de la pose d’un implant dentaire, une laborieuse inscription sur un site de rencontres en ligne ou encore les polices de caractère des panneaux routiers. L’ex-typographe se désespère d’ailleurs de l’abandon du Highway Gothic au profit de Clearview (ironiquement le nom de la première évoque les ténèbres et celui de la seconde la lumière). Une nouveauté : l’acteur principal possède un caniche qui, se prenant pour Milou, commente facétieusement certaines scènes.

Au-delà de l’anecdote, le récit propose de sympathiques jeux formels. Par exemple, en prélude, l’artiste présente un plan fixe sur un oiseau aux abords d’un ruisseau, un congénère se pose à proximité, puis un second, mais tous deux finissent par partir. Le ton est donné, la thématique de l’album sera la séparation. Rapidement les eaux limpides de la petite rivière seront remplacées par celles, embrouillées, d’une piscine délaissée, laquelle symbolise évidemment les états d’âme du héros. Le dessin est moins dépouillé que naguère, les décors apparaissent plus riches. Le bédéphile s’amuse d’un arrière-plan où il voit une femme voilée passant devant une affiche annonçant le Festival du porc ou à découvrir que les livres empilés sur la table de chevet expriment le cheminement du quinquagénaire : Comment survivre à une séparation, Divorce : mode d’emploi, Refaire sa vie, Célibataire et heureux, Vivre seul, pourquoi pas, Vaincre la solitude et... Spirou et les hommes-bulles. Michel Rabagliatti a peut-être le cafard, mais il a toujours le sens de l’humour

Un mélange de drame et de remise en question ponctués de segments cocasses, un personnage et un auteur qui se confondent, le parallèle avec Woody Allen est tentant.

Moyenne des chroniqueurs
7.5