Neonomicon

L 'agent spécial Aldo Sax enquête sur une série de crimes aussi inexplicables que sordides. Cet enquêteur aux méthodes inhabituelles, basées sur l'analyse des anomalies, les relie rapidement au Club Zothique, une boîte underground où circulerait une étrange drogue : l'Aklo. Ce qu'il découvre le fait basculer dans la démence. Deux ans plus tard, le FBI reprend l'affaire, sur les traces de cercles occultes liés à l'oeuvre de H.P. Lovecraft.

Autant ne pas tourner autour du pot, Neonomicon ne fait pas partie des œuvres majeures d'Alan Moore. Loin de là. De plus, il faut sans doute être un fin connaisseur du travail du créateur du Cauchemar d'Innsmouth pour apprécier pleinement cette transposition moderne de son imaginaire. Le but affiché est de réinterpréter de manière contemporaine son univers horrifique extrêmement codifié. Mais n'était-ce pas une solution de facilité que de s'enfermer dans un canevas à la X-Files ? Le scénario prend le parti d'exploiter frontalement les sous-entendus sexuels présents dans l'oeuvre originale. Il en découle de longues scènes orgiaques à ne pas mettre devant tous les yeux. Autant être prévenu, cet ouvrage est à réserver à un public averti. Il choisit aussi de contrebalancer l'atmosphère irréelle et phobique par un contexte résolument moderne et mainstream. Ce faisant, il privilégie des ingrédients franchement triviaux, comme l'insistance lourde sur l'addiction au sexe de l'un des agents du tandem Mulder&Scully-esque et le recours à tous les lieux communs des séries policières de deuxième partie de soirée.

Le recueil se compose de deux récits. Le premier, La course, est une adaptation d'une nouvelle d'Alan Moore par A. Johnston qui relate les événements subis par Sax. Il propose pour un parti-pris visuel assez radical : la mise en page se composé presque exclusivement de grandes cases verticales, induisant une forme de vertige qui fonctionne assez bien. Le deuxième, Neonomicon, un scénario original illustré par Jacen Burrows, opte pour un composition à dominante horizontale. L'effet est plus statique et moins convaincant. La mise en couleur joue ostensiblement sur des teintes glauques pour accentuer le malaise. Mais le choix d'une colorisation clairement informatique produit un rendu trop artificiel pour être réussi.

Un aficionado de Lovecraft le verra sans doute différemment, mais pour un lecteur qui ne voue pas d'admiration particulière à cet auteur, le résultat est étrangement bancal. Neonomicon combine une intrigue-prétexte quelconque, qui ne s'éloigne guère des sentiers balisés du récit de genre, une mythologie ésotérique à laquelle il faut être sensible et une complaisance auquel le scénariste de Watchmen n'a pas habitué. Les quelques séquences oniriques paraissent lourdes et trop démonstratives. Le conclusion en elle-même se révèle extrêmement prévisible. Le public visé est sans doute très restreint, à la fois adepte de l'horreur phobique et abstraite de Cthulhu et des codes de thrillers télévisés. Pour qui n'est sensible ni à l'un, ni à l'autre, le produit est plutôt indigeste.

Moyenne des chroniqueurs
7.0