Les quatre de Baker Street 8. Les Maîtres de Limehouse

1894. La tension entre Oncle Wang et Georges Gurney, deux patrons de la pègre locale associés tant bien que mal, est montée d'un cran ces derniers jours. De retour après son éclipse de trois ans*, Sherlock n'a de temps à consacrer à ce qui se trame dans les bas fonds de Londres. Il délègue donc à sa « police auxiliaire » les premières observations et la recherche de pistes intéressantes. Charlie, Tom, Billy et Watson reprennent du service !

Trois années se sont écoulées entre la fin du cycle deux, « Le grand hiatus » (tomes 5 à 7), et cette nouvelle aventure des Quatre de Baker Street. David Etien n'a pas chômé puisque le dessinateur a repris les crayons du préquel de La quête de l'oiseau du temps (Loisel/Le Tendre chez Dargaud) et a proposé un Champignac (sur un scénario des Béka, chez Dupuis) qui a ravi les fans du comte. Olivier Legrand et Jean-Blaise Djian en ont profité pour travailler à une saison trois lancée par l'épisode huit, Les maîtres de Limehouse.

En fin connaisseur de l'œuvre de Sir Arthur Conan Doyle, Olivier Legrand profite d'une affaire non racontée - celle de l'assassin des Boulevards, mentionnée par le docteur Watson dans The Adventure of the Golden Pince-Nez - pour envoyer le célèbre détective à Paris et laisser toute la latitude nécessaire à ses héros. Et ils vont en avoir besoin, tant ce que son comparse, Jean-Blaise Djian, et lui leur ont concocté réserve bien des surprises. Soucieux de constamment renouveler le fond autant que la forme, c'est cette fois le quartier de Limehouse, à quelques miles à l'Est de Baker Street, qui sert de théâtre à cette enquête, complète en cinquante-quatre planches. Qui dit nouveau lieu dit aussi nouvelle population : ce sera donc les cockneys et l'un des gangs qui sévit sur les docks, les Mad Dogs, ainsi que leur confrontation avec la communauté chinoise londonienne. Fumerie d'opium, société secrète, guerre de territoires, le terreau est riche et offre fausses pistes et rebondissements, le tout en décortiquant avec talent une partie du contexte social et historique.

Parallèlement, nos « irregulars » continuent de mener leur petite vie même s'ils grandissent. Charlie, consciente des changements qui s'opèrent chez elle, s'ouvre à d'autres horizons tandis que Billy va à son tour découvrir ses premiers émois. Ce mélange d'enjeux constitue une autre des forces de cette série. En plus du polar sur fond d'aventure, fil rouge depuis les débuts, voir vivre et évoluer les protagonistes entretient une certaine complicité, amène l'empathie ou permet une identification selon l'âge et les attentes d'un lectorat varié qui trouvera son compte. Le travail de David Etien est en ce sens primordial. Sans perdre le dynamisme et la générosité qui le caractérisent depuis la première parution, son trait, toujours aussi soigné, et ses découpage font des merveilles sur l'immersion, la crédibilité et la fluidité. Le lecteur averti notera certainement une évolution dans son encrage, plus gras, plus large, mais cela ne gâte en rien - au contraire - un dessin d'une grande constance, efficace et plaisant quelques soient les scènes représentées, les morphologies ou les ambiances.

Olivier Legrand, Jean-Blaise Djian et David Etien ont visiblement encore des choses à (ra)conter et de quoi surprendre. Avec autant de qualités et un plaisir sans cesse renouvelé, l'impression oscille entre satisfaction et impatience. Une fois le livre refermé, le temps semble long jusqu'à la prochaine aventure, mais il y a désormais un album de plus à lire pour meubler l'attente. Alors pourquoi se priver ?

NdR : voir tomes 5 à 7.

Lire la preview du tome 8.
Lire les chroniques du tome 1 et tome 7.

Moyenne des chroniqueurs
8.0