Senso

G ermano se retrouve le bec dans l’eau après avoir appris que sa réservation d’hôtel n’a pas été confirmée. Arrangeant, le tenancier lui permet néanmoins de dormir dans le hall d’entrée (les canapés sont confortables). Par contre, pour le repos ça va être difficile : une noce bat son plein, une ancienne connaissance particulièrement volubile lui tombe dessus et c’est sans compter les avances d’Elena, une charmante convive plus qu’entreprenante. Vivement que l’orage passe.

Après le convaincant Come Prima (Fauve d'Or à Angoulême), Alfred reste en Italie tout en changeant de registre. Ciao le road-movie et les paysages variés, Benevuti la comédie de mœurs et l’unité de lieu. À l’image de sa trajectoire, Germano erre, court, se perd, se trouve et, globalement, se pose beaucoup de questions, peut-être un peu trop. Parfois, il ne faut pas se prendre la tête et profiter de l’instant présent, tout simplement. La thématique est classique, ô combien déjà visitée, mais qu’y a-t-il de plus précieux que l’amour ? Pour nourrir son scénario, l’auteur expose son héros à toutes les facettes de la vie par l’entremise d’un chassé-croisé permanent : enfance, adolescence, maturité et vieillesse assassine qui pointe le bout de son nez. Les tableaux se succèdent sur un rythme soutenu, en alternant scènes à l’humour absurde ou burlesque avec des épisodes doux et poétiques. La synthèse existentielle est implacable et, surtout, très drôle à suivre.

Puis, présenté avant même le début de l’histoire, il y a le sexe, le direct, le charnel. Naturellement exposée d’une manière élégante et très suggestive, la sexualité sert de mise en abyme claire et nette. Ce rappel (ou appel) de l’importance des sens (finalement, le titre n’a pas grand-chose à voir avec le célèbre film de Luchino Visconti) prend tout son poids alors qu’Elena tente difficilement de séduire un Germano totalement perdu dans le déroulement anarchique de cette interminable soirée. Cette pseudo-parade nuptiale douce-amère d’une grande justesse ajoute une couche intimiste hautement sympathique à cette fable pourtant déjà largement pourvue en péripéties diverses.

Récit aux multiples niveaux de lecture, réalisé avec énormément de talent et d’esprit, Senso est une ode à la fragilité du moment présent et à la nécessité de savoir percevoir la présence des autres, sous oublier de la savourer, évidemment.

Moyenne des chroniqueurs
7.5