Noô 1. Soror

B rice se réveille après un drôle de cauchemar. Dans cette chambre qu'il ne reconnait pas, il découvre des changements inattendus. Combien de temps a-t-il dormi ? Comment s'est terminé son long voyage ? Où sont ses parents ? Et d'abord où est-il et surtout quand est-il ?

Passé d'Ankama à Glénat, le label Comix Buro continue son exploration de l'œuvre de Stefan Wul. Après La mort vivante et L'Orphelin de Perdide, c'est son ultime roman, Nôo, qui fait l'objet d'une adaptation. Trois tomes, sous la houlette de Laurent Genefort (scénario) et Alexis Sentenac (dessin et couleurs). S'éloignant du style qui a fait sa renommée, l'écrivain s'offre avec cette histoire, sortie plus de dix-sept ans après la quasi-totalité de sa production en science-fiction, la fresque intersidérale qui le travaillait depuis des années. Devoir s'approprier le texte fleuve, l'univers baroque, la narration à la première personne bourrée de néologismes et sa structure était un défi de taille pour les auteurs. Mission en partie accomplie avec Soror, le premier acte de cette trilogie.

Restituer la richesse du livre d'origine, en seulement cinquante-quatre planches, nécessitait des coupes franches. La mise en contexte est donc légère et le lecteur plongé, in media res, dans les pas de Brice. Il cherchera, avec lui, à se raccrocher à la moindre information pour reconstituer un puzzle qui semble immense et un univers qui ne n'est pas moins. Un dépaysement que le dessinateur met parfaitement en scène, jouant autant sur les paysages que les teintes ou le design des protagonistes, qu'un découpage varié et inventif met en valeur. Malgré le peu d'indications, l'intrigue embarque, l'adolescent étant d'emblée sympathique, sa quête légitime et son mentor comme ses desseins bien mystérieux.

Mais, si le pari n'est réussi qu'en partie seulement, la faute en revient à des ellipses trop nombreuses et à une caractérisation des personnages trop sommaire. La découverte d'un monde où la révolution couve sans avoir les clés pour le comprendre et appréhender les forces en présence saccade quelque peu la lecture. L'immersion en pâtit, car les questions sont plus nombreuses que les réponses. Et, à mesure que les pages défilent, le rythme, comme la tension, s'accroît jusqu'à la dernière case.

Mise en place appliquée et intrigante, Soror pose les bases d'un projet ambitieux. Il faudra aux auteurs déployer tous leurs talents pour transformer l'essai et proposer une suite à la hauteur de leur modèle. Réponse attendue avec Subral, le deuxième tome, espéré courant 2020.

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Moyenne des chroniqueurs
5.3