Kolya

C 'est un brave gars, Kolya. Serviable, gentil avec les gens, les enfants et les animaux, tout ça.
Il est un peu bizarre,Kolya. Une façon de parler propre à lui-même, porté sur la vodka et des réactions inattendues, quelquefois.
Il n'est pas bien dans sa tête, Kolya. Depuis son retour des combats, il a des crises et il fait peur même, parfois…

Pour une première œuvre, Lida Larida démontre de belles qualités narratives et graphiques. Son récit est construit à partir d'une succession de scénettes constituées de trois bandes par planches. Le décor reste pratiquement identique pour chaque épisode, comme un plan fixe sur lequel évoluent les individus. Mélange de collage, de dessins et de photos, le style de cette jeune auteure russe se révèle résolument moderne et inventif ; il séduit par ses perspectives et ses proportions déformés, ses couleurs douces, ainsi que la simplicité de ses formes.

Que faut-il comprendre à la lecture de cette histoire où chaque situation semble anodine et normale, enfin, presque toute… Le personnage principal aide ses voisins (fait du bricolage, porte les courses, ouvre les portes), décore l'immeuble pour Noël, s'occupe des plantes… Puis, il oublie ses clefs, confond le jour et la nuit, se saoule et effraie son entourage en beuglant dans les couloirs tard le soir. Une seule vignette suffit avec quelques mots négligemment énoncés et voilà à elle seule l'essence du drame : c'est un ancien soldat, traumatisé par un conflit guerrier. Le lecteur comprend alors la douleur enfouie qui resurgit et voit l'esprit qui vacille sous le poids des cauchemars. Le cheminement narratif emprunté par l'artiste parait osé, tant les petits événements semblent insignifiants et sans but, mais cette lente progression sert à mieux connaitre l'homme et ses fêlures invisibles qui deviennent craquelures et finalement, entraînent la chute.

Kolya : une plongée singulière et subtile dans le quotidien bancal et sur le fil d'un être abîmé par la guerre. Un talent à suivre.

Moyenne des chroniqueurs
6.0