Le jardin de Daubigny Le Jardin de Daubigny

« Daubigny, le peintre merveilleux et véridique des bords de la Seine et de l’Oise. » Émile Zola.

Moins connu que ces collègues et amis Georges Courbet et Camille Corot, Charles-François Daubigny (1817 – 1878) est néanmoins un peintre pivot du XIXe siècle. Précurseur de l’impressionnisme (il sera un soutien de Claude Monet, n’hésitant pas à démissionner de son poste de jury du Salon de Paris quand une œuvre de celui-ci fut refusée) et grand amateur de la peinture en extérieur, c’était avant-tout un amoureux de la nature qui passa sa vie à tenter de la dépeindre de la plus juste et belle manière possible. Sa personnalité bienveillante fit aussi de lui un pôle d’attraction pour de nombreux créateurs et futurs disciples qu’il invitait à séjourner et à décorer dans sa demeure d’Auvers-sur-Oise.

Présenté en neuf tableaux (sic), Le jardin de Daubigny dresse un portrait original et rempli d’admiration. Luc Cromheecke et Bruno De Roover racontent simplement une vie au service de l’Art. Enfance sans problème, années estudiantines animées, quelques temps de vaches maigres avant de trouver son style, puis un certain succès commercial qui lui permet de se concentrer sur son œuvre personnelle, Daubigny connaît somme toute une existence tout ce qu’il y a de plus normale. En effet, loin des stéréotypes classiques des destinées artistiques maudites, il est heureux. Certes, il affronte les écoles en place, mais, grâce à son talent, il perçoit les changements en gestation et dépose sans le savoir les fondations de la grande révolution picturale à venir. Les auteurs cernent parfaitement cette trajectoire, la jalousent certainement un peu et finalement, s’inclinent devant l’homme et sa vision.

Le trait éminemment sympathique du dessinateur de Tom Carbone recrée merveilleusement le XIXe siècle vu du chevalet. La capitale et ses salons, Rome et ses vestiges et, surtout, la campagne et le Botin, l’atelier flottant bricolé à partir d’une barque qui permit au maître de s’approcher au plus près de ses motifs, le plaisir de Cromheecke est palpable. Le découpage appliqué est aéré par des illustrations pleines pages au rendu également classique. La rigueur narrative du moule à gaufres et la quête de liberté du héros marchent de concert et ajoutent un petit côté ironique à la lecture. Autre acteur important, les couleurs (cf. la superbe couverture) finement dosées apportent profondeur et éclat à cette excellente réalisation.

Remarquable quoique parcellaire biographie, Le Jardin Daubigny rend un hommage sincère et mérité à un artiste-clef et un peu oublié de l’histoire de l’Art.

Moyenne des chroniqueurs
7.0