Rouletabille (Une aventure de) 3. Le fantôme de l'opéra

I nauguré en 1875, l’opéra de Paris (maintenant Garnier) avait à peine trente-cinq ans lorsque Gaston Leroux en a fait le théâtre d’un roman aux accents fantastiques (encore dans la fleur de l’âge et déjà hanté). Il faut reconnaître que son exubérante décoration, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, est à la fois élégante et inquiétante. Dans ce lieu dédié à la beauté de la musique, un sinistre individu tire toutes les ficelles pour gagner le cœur de la jolie cantatrice Christine Daaé, dont il est éperdument amoureux. Heureusement que le vicomte Raoul de Chagny n’a pas froid aux yeux et qu’il ne recule devant rien pour sauver celle qu’il convoite secrètement.

Bien qu’il s’agisse officiellement d’une aventure de Rouletabille, cette histoire n’a rien d’une enquête policière. Le journaliste y joue un rôle mineur, se contentant d’écouter un étrange marchand perse lui raconter comment la créature a su mystifier et terroriser tout un chacun vingt ans auparavant. En fait, le romancier propose un récit qui est pratiquement une relecture du mythe de Faust ; la jeune chanteuse s’illustre du reste en interprétant la plus célèbre œuvre de Charles Gounod.

Au scénario, Jean-Charles Gaudin s’en tient à l’essentiel, tout en assurant la fluidité de l’ensemble. La structure apparaît très linéaire et la narration progresse doucement, hésitant entre la romance et l’épouvante. Le rouquin revient périodiquement donner signe de vie, mais n’apporte pas grand-chose au propos. Les personnages sont un peu bavards, peut-être le scénariste aurait-il pu accorder davantage sa confiance aux images. Les dialogues sont quelquefois ampoulés, sans que cela ne dérange vraiment.

Le dessin de Christophe Picaud est généralement heureux. Son fantôme se montre particulièrement convaincant et le jeu des acteurs est juste. La visite des toits de l’édifice de style impérial se révèle agréable, tout comme celle de ses terrifiants sous-sols imaginaires. La salle de spectacle et le grand escalier laissent toutefois le lecteur sur sa faim. Adoptant un registre réaliste, l’artiste n’arrive pas tout à fait à restituer la splendeur de ces décors foisonnant de détails. La composition des pages est dynamique, quoique par moments chargée, d’autant plus que certaines cases, très sombres, reposent sur un fond noir ; il s’avère de ce fait parfois difficile de voir où commencent et se terminent certaines vignettes.

Une adaptation sage et respectueuse, mais tout de même réussie, d’un conte moderne.

Moyenne des chroniqueurs
6.0