L'argentine L'Argentine
Y
von d’Alayrac est un homme de pouvoir, il a été le conseiller de trois présidents de la République et son avis est de ceux qu’on écoute. L’avènement du gouvernement d’extrême-droite de Lebrun l’a cependant mis sur la touche de l’arène politique. Alors, pourquoi s’en prendre à sa fille ? Un enlèvement express sans revendication ou demande de rançon, une police qui patine, un ambassadeur argentin embarrassé… et si la réponse était à trouver du côté de la clinique où la mère de l’adolescente repose depuis des années dans un coma inexpliqué ?
L’Argentine marque le grand retour d’Andreas en tant qu’auteur complet ; quoi de mieux qu’un polar mâtiné de fantastique pour marquer le coup ? Ceux qui se souviennent de Coutoo devraient apprécier. Se détacher de ses œuvres passées sans perdre son âme, la volonté du créateur de Rork et Capricorne de ne pas se répéter est plus que palpable au fil des pages. Exit l'ésotérisme et, même s’il baigne dans le mystère et que toutes les vérités ne sont pas bonnes à savoir, le scénario penche nettement vers le «whodunit» classique. Unité de lieu, une distribution limitée et des indices judicieusement semés puis révélés, cette intrigue à la Agatha Christie, à peine saupoudrée d’une pincée de Jean Ray, s’avère plus que prenante, voire crispante.
Découpage impeccable et imparable (comme d’habitude remarqueront les habitués), trait épuré à l’extrême complété par une mise en couleurs surprenante, l’ensemble est audacieux et, heureusement, parfaitement au point. Isa Cochet utilise des aplats de tons francs sur lesquels les différents éléments de la narration se détachent ou, à l’inverse, se dissimulent. Le résultat est étonnant, mais se révèle efficace et dégage une atmosphère en parfait accord avec le cours des événements. Les scènes nocturnes ou en sous-sols sont à relever. Entre les nuits noires d’encre et le jeu furtif des silhouettes, c’est bien dans les ombres que se trouve une part des ressorts de cette étrange affaire.
Superbe album à la réalisation soignée, nombreux sous-thèmes explorés, des pistes intelligemment étagées et, surtout, un suspens total, L’Argentine est une réussite à tous les points de vue.
8.0
