Les zola Les Zola

L 'adage prétend que derrière chaque grand homme il y a une femme. Mais comme Émile Zola est un géant… il y en a deux. D’abord sa compagne, Alexandrine, une orpheline avec peu d’éducation qui, à force d’acharnement gagne le respect des intellectuels et contribue à établir la réputation de son mari. Sa connaissance du Paris des pauvres inspire par ailleurs une partie de la saga des Rougon-Macquart qui accapare le chroniqueur pendant vingt ans. Vieillissant, elle embauche Jeanne Rozerot ; jeune et enjouée la bonne devient la maîtresse de la célébrité à qui elle offre un garçon et une fille. Une fois le choc passé, la première accepte la seconde.

Le scénario de Méliane Marcaggi s’attarde principalement aux conjointes, réduisant l’auteur à un rôle de soutien. Le lecteur y apprend relativement peu de choses sur l’écrivain, son œuvre ou son engagement politique, mais il apprécie le point de vue sur une époque et sur celle qui, à défaut d’occuper le devant de la scène, tire certaines ficelles. Ce personnage se révèle fascinant. La demoiselle s’affranchit de sa classe en posant pour les peintres, puis s’affirme comme muse et conseillère du romancier, avant d’en être la veuve qui n’hésite pas à bafouer les conventions sociales pour rétablir la mémoire de la sommité.

Le dessin d’Alice Chemama rappelle celui de Clément Oubrerie dans Pablo ou dans Isadora avec, par moments, des accents d’Henri Matisse. Très détaillé, son trait semi-réaliste restitue de façon convaincante la capitale au XIXe siècle pour redonner vie aux halles et aux petits commerces. Le jeu des acteurs se montre toujours juste, particulièrement dans les regards. La mise en couleur à l’aquarelle est élaborée ; quelques pages se détachent, alors que la sombre enfance de l’héroïne est présentée en noir et crème, jusqu’au moment où elle change de nom et s’émancipe en se rebaptisant Gabrielle.

En leur temps, Alexandrine Zola et Jeanne Rozerot ont joué les seconds violons. Cent ans plus tard, deux bédéistes les mettent à l’avant-plan. Et elles le font avec talent.

Moyenne des chroniqueurs
8.0