Mes années hétéro

R émi devrait se réjouir, en ce dix-huit mai 2013, la loi "mariage pour tous" a été adoptée. Pourtant, aborder ce sujet toujours sensible reste malaisé : difficile de balayer une existence martelée de jugements rigoristes et de vieux réflexes de rejet. Allez, il doit maintenant se ressaisir et préparer un texte pour un journaliste ; lui qui a du mal à s'épancher... Voici le parcours d'un homme qui s'est marié et a eu deux enfants pour faire comme les gens «normaux»... jusqu'à ce qu'il ose être lui-même.

Sans réellement desservir l'ouvrage, le graphisme minimaliste en noir et blanc se révèle peu attrayant : rigides dans leurs postures et pourvus de visage aux traits grossiers, les personnages sont plutôt laids. Le découpage simple et les cadrages sans originalité laissent à penser que le point fort de Hugues Barthe s'exprime nettement mieux dans la narration.

Se basant sur des témoignages de gays ayant vécu l'«avant» bénédiction du législateur, l'auteur propose une biographie fictive qui présente probablement ce que vivent beaucoup d'individus comme Rémi. Ayant subi pendant son enfance, son adolescence et une bonne partie de sa vie d'adulte les réflexions homophobes et étroites d'esprit de son entourage, ce Normand a réprimé, refoulé et tu sa nature profonde et son attirance pour les membres du même sexe. Cette mise à nu, tout en pudeur et justesse, ne cache rien du ressenti le plus intime du héros. Son mal-être, ses ambiguïtés, ses hontes, ainsi que ses joies et ses petites victoires : le lecteur partage tout. Le ton factuel ne prêche pas la cause évoquée, mais relate sans ambages une destinée de mensonges et de faux semblants, jusqu'à la libération salvatrice.

Exposition sans fard et avec pour seul reproche un dessin peu engageant, Mes années hétéro se lit avec intérêt, comme un appel à la tolérance.

Moyenne des chroniqueurs
7.0