Jack Wolfgang 3. Un amour de panthère

H umains et animaux cohabitent en bonne intelligence. Les choses n’ont pas toujours été faciles, mais depuis l’invention du qwat, un tofu reproduisant parfaitement tous les goûts de viande et de poisson, tout va pour le mieux et plus personne ne rêve de cuisiner son voisin avec des oignons et des chanterelles. Il y a certes de petits trucs énervants, par exemple quand au 100 mètres une gazelle s’aventure à poser plus de deux pattes sur la piste alors qu’elle affronte des bipèdes. La littérature populaire témoigne également de malaises lorsqu’elle présente des hommes qui se vengent des bêtes... ou des bêtes qui se vengent des hommes. Mais globalement, tout semble bien aller. Jack Wolfgang, un agent de la CIA, découvre cependant que des individus se livrent à un étrange commerce. Comme il est connu qu’aux États-Unis, on ne rigole pas avec la discrimination, l’aventurier fonce vers l’Égypte qui paraît être l’épicentre du trafic.

De James Bond à Largo Winch, les ingrédients du thriller demeurent sensiblement les mêmes : mégalomane despotique, nanas et, évidemment, un héros sans peur et sans reproche. Il y a de tout cela dans Un amour de panthère. Les personnages adoptent la forme d’animaux qui, bien qu’humanisés, conservent une partie des traits de caractère de leur race. Bref, l'univers moral des fables de Jean de La Fontaine n'est jamais bien loin. Au final, l’histoire évoque le vivre ensemble, un noble projet de société, dont la réalisation est malheureusement parsemée d’embûches. La trame se révèle toutefois courte et tourne un peu en rond avant de véritablement prendre son envol. Cela dit, les protagonistes sont attachants, leur organisation sociale amusante et le rythme est soutenu.

Le dessin semi-réaliste d’Henri Reculé est efficace. L’artiste arrive à rendre crédible un félin gracile qui tient un revolver, une chienne en bikini qui joue au volley-ball sur la plage ou un tueur à tête d’âne. Il soigne particulièrement les regards des acteurs à travers lesquels il transmet leurs émotions. Certains détonnent tout de même, notamment un trio composé d’un éléphant, d’un porc et d’un lion qui sont beaucoup plus caricaturaux que les autres comédiens. Le découpage des scènes d’action est réussi ; les nombreux changements de plan et d’angle créant une véritable tension dramatique. Une réserve importante : la couverture en dit beaucoup trop.

Ce récit anthropomorphique se situe quelque part entre les romans noirs de Blacksad et l’humour potache de La vache, elle aussi scénarisée par Stephen Desberg. L’illustrateur souligne d’ailleurs le lien entre les deux univers en pastichant un avion à l’allure de tigre figurant dans À mort l’homme, vive l’ozone. Bien qu’elle ne réinvente rien, cette série a le mérite de piocher à gauche et à droite pour proposer quelque chose de plaisant. Ce troisième tome conclut le projet, le bédéphile en aurait bien lu un quatrième.

Moyenne des chroniqueurs
6.0