Moh, Palestinien mais presque Moh, palestinien mais presque

« Les enfants, n’oubliez pas : faut surtout pas traîner dehors. » Ce credo paternel, Moh le connaît par cœur. Pourtant, un jour, à la sortie de l’école, il ne peut s’empêcher de suivre un groupe de manifestants. Quand la police israélienne intervient, le curieux malchanceux se retrouve en cellule à 13 ans. Questionné et torturé, il n’a rien à dire, et pour cause. Mais en 1989, en Cisjordanie, il ne fait pas bon être musulman, alors il est condamné à huit mois d’emprisonnement. Lui qui n’a rien à raconter, écoute de toutes ses oreilles ce que raconte ses codétenus et comprend progressivement ce que ses parents lui ont tu. Cette expérience va le marquer et lui ouvrir la voie de l’activisme, malgré les pressions familiales et les risques encourus.

Le noir et une supplique, puis l’image d’un personnage menotté à une rampe, le visage engoncé dans un sac : forte, la scène d’ouverture plonge immédiatement le lecteur dans une réalité qui interpelle. Puis le récit revient en arrière pour éclairer les faits, avant que la spirale des événements vécus par le héros ne se mette en branle, pour ne plus s’arrêter. Derrière cette entrée en matière percutante, Céline de Gemmis raconte une histoire vraie, celle d’un jeune Palestinien dont les prémices du parcours engagé doivent beaucoup à s’être trouvé au fameux mauvais endroit au mauvais moment. À travers Moh, la scénariste évoque la violence quotidienne d’un conflit toujours actuel et dramatique, mais aussi le mûrissement de convictions chevillées au corps, nées d’un questionnement et de réponses culturelles, historiques et politiques. Pour autant, les étapes propres à l’adolescence, comme les premiers émois, ne sont pas oubliées, cependant, elles portent la marque de la douloureuse expérience du garçon. Par ailleurs, malgré un sujet sombre, la narration ne se complaît pas dans le pathos, restant positive tout du long.

Au dessin, François Bégnez livre une copie de bonne facture. Son trait semi-réaliste souligne les expressions et rend avec justesse tout un panel d’émotions. Les cadrages sont variés, le découpage fluide et la mise en scène plutôt réussie. Le choix d’une bichromie aux nuances sépia confère un cachet singulier à l’ensemble et renforce la dimension historique des faits narrés.

Moh, palestinien mais presque constitue une lecture prenante et instructive qui mérite qu'on s'y attarde.

Moyenne des chroniqueurs
6.0