Les mentors 1. Ana

V oilà bientôt vingt ans que l'enfant d'Ana lui à été violemment enlevé par un commando armé alors qu'elle était en salle d'accouchement. Depuis, en disposant de moyens conséquents et en y consacrant tout son temps, elle n'a eu de cesse de le rechercher. Joye est une call-girl. Ou plutôt une ancienne fille de joie puisqu'elle fuit son proxénète et ses sbires qui se sont juré de lui faire la peau. La rencontre fortuite de ces deux femmes aux caractères et combats disparates va servir les causes aussi bien de l'une que de l'autre.

«J'ai un jour croisé une femme qui portait une poupée. (...) Elle était en chemise de nuit, et parlait à cette poupée comme si c'était son bébé. Pourquoi ? Qui était-elle ? Je l'ignore» - Zidrou

Telle est l'idée de départ du nouveau diptyque de Benoît Drousie - alias Zidrou - estampillé thriller fantastique par sa maison d'édition. L'auteur, qui reste dans sa zone de confort, privilégie une nouvelle fois la narration de deux histoires dramatiques pour le prix d'une. En annonçant vouloir revisiter l'un des mythes fondateurs de la Bible, son scénario réussit à captiver et à surprendre son public. Sa force, c'est de parvenir avec brio à confronter une paire de personnages féminins atypiques, aux parcours et tempéraments différents, unissant leurs forces et leurs déterminations pour tenter de se sortir de situations improbables et cauchemardesques. Alors que la première cherche à s'affranchir d'un souteneur brutal et sanguinaire, la seconde voudrait retrouver son enfant ainsi que les énergumènes qui s'en sont emparé. Les rôles endossés sont percutants et bercés par une atmosphère particulièrement «dark» voire par moments déstabilisante. Immédiatement prenant, le synopsis ne s'encombre pas de détails qui le détournerait de son objectif ou de détours inutiles. Le scénariste va à l'essentiel et préserve l'intégralité du suspense en laissant la porte ouverte à de nombreuses probabilités.

Si quelques petites imperfections apparaissent tantôt dans les décors et seconds plans qui semblent moins fignolés et sur un découpage et un cadrage qui auraient nécessité de s'échapper des standards, le dessin de Francis Porcel (Chevalier Bayard, Réality show) reste globalement persuasif. Les traumatismes et les sentiments éprouvés par le duo féminin s'imposent naturellement sur leurs faciès, engendrant une certaine empathie à leur égard. Les scènes charnières faites pour la plupart de violences psychiques plus que visuelles demeurent éloquentes grâce à l'ajout de couleurs criardes.

Ceux et celles qui portent encore les stigmates des Brûlures précédemment infligées par Zidrou apprécieront d'être à nouveau malmenés par Ana, premier chapitre des Mentors.

Moyenne des chroniqueurs
6.0