Tanguy et Laverdure (Une aventure "Classic" de) 3. Coups de feu dans les Alpes

E n 1964, dans les Alpes suisses, une skieuse quitte soudainement une piste, se met à l’écart, s’offrant un vaste panorama sur la vallée et prépare son fusil de précision. Lorsqu’une patrouille d’avions à réaction apparaît, répétant des figures acrobatiques pour une cérémonie, elle met en joue et abat un des pilotes. L’appareil s’écrase contre une falaise et dégringole dans un lac. Une enquête militaire est ouverte sur ce qui ressemble encore à un accident. Le lendemain, Rönner, un journaliste minable du Soir helvète, reçoit un article rédigé et une coquette somme d’argent de la même jeune femme. Simultanément, à Dijon, Tanguy et Laverdure se voient confier une nouvelle mission : livrer le premier Mirage commandé par l’armée suisse, jouer les VRP pour faire accepter des surcoûts et former leurs homologues, qui viennent justement de perdre tragiquement un de leurs collègues.

Le 29 octobre 1959 sort le premier numéro d’un nouveau périodique largement consacré à la bande dessinée : Pilote. Des héros y voient le jour, Tanguy et Laverdure, modelés par Jean-Michel Charlier, ancien pilote de ligne, passionné d’aviation et scénariste prolifique. Ils sont dessinés par Albert Uderzo, qui peine alors à s’imposer et crée en même temps, avec René Goscinny, un personnage de petit gaulois qui pourrait être promis à un bel avenir. Le succès est au rendez-vous. Les histoires seront adaptées à la télévision en 1967. Jijé et bien d’autres succéderont au célèbre dessinateur. La saga est toujours en cours. Néanmoins, en 2016, Dargaud lance le label Une aventure « Classic » de Tanguy et Laverdure avec Patrice Buendia (Thomas Silane, Buck Danny) à l’écriture et Matthieu Durand (Team Rafale) aux pinceaux.

Coups de feu dans les Alpes, troisième étape de ce spin-off, parvient à moderniser l’univers de départ et réussit à trouver l’équilibre entre les codes à respecter et ceux qui caractérisent le neuvième art en 2019. Tanguy se pose toujours en beau gosse, calme et réfléchi ; Laverdure est encore le larron impulsif, imprévisible et poil à gratter, dépositaire de l’indispensable relief humoristique. Par ailleurs, le scénario subtilement élaboré – typologie du roman d’espionnage sur fond de Guerre froide – et le graphisme de Durand renvoient au dynamisme et au réalisme de Largo Winch, XIII ou I.R.S. Les scènes d’action sont particulièrement réussies, qu’il s’agisse d’un atterrissage en catastrophe ou d’une course poursuite opposant un bobsleigh à une motoneige. Les personnages ont de l’épaisseur, les dialogues sont maîtrisés et les précisions techniques émaillant le récit ne sont jamais rébarbatives.

Les deux premiers épisodes (Menace sur Mirage F1 et L’Avion qui tuait ses pilotes) avaient été bien accueillis. Il devrait en être de même pour ce diptyque (suite et fin dans Le Pilote qui en savait trop à paraître) qui tient toutes ses promesses de suspens, d’aventure et d’humour et garantit un véritable plaisir de lecture.

Moyenne des chroniqueurs
8.0