Guernica

E spagne, 1937. Les Républicains sont déterminés à participer à l’exposition universelle de Paris. Ils comptent ainsi prouver au monde qu’ils ont le dessus sur Franco. Ils demandent alors au célébrissime Pablo Picasso de peindre une toile devant figurer au cœur de leur pavillon. L’artiste cherche cependant l’inspiration ; en fait, à cet instant, c’est surtout Dora Maar qui l’enflamme. À la même époque, à Guernica, un village du Pays basque, la vie suit son cours. Il y a Patxi, un jeune paysan venu vendre un cheval avec son père. Puis Carmen, la fille du cordonnier, laquelle craque pour Txabi, un milicien de passage. Sans oublier Sofia qui déambule dans la petite ville avec son bébé, Garaitz. L’hiver est terminé, la journée se montre douce et calme ; c’est le moment que privilégient les troupes franquistes pour frapper. Quelques heures plus tard, il ne restera plus qu’un tas de cendres.

Il n’y a certes pas grand mystère dans ce récit au titre éloquent ; tout un chacun sait bien que la bourgade sera torpillée et que le cubiste s’inspirera de cette attaque pour réaliser une peinture remarquable. L’histoire racontée par Bruno Loth n’est pas celle du conflit ou de la création, c’est plutôt le quotidien d’un groupe de personnes somme toute banales qui lui sert de moteur. Mais voilà, le ciel leur est tombé sur la tête et le hasard a voulu qu’un génie du XXe siècle ait immortalisé leur infortune. La démarche de l’auteur s’avère à la fois semblable et différente de celle du maître. Le sujet demeure ; cela dit, plutôt que d’en faire une allégorie de la guerre et de la souffrance, il le présente dans toute son humanité. Ce ne sont pas des symboles qui souffrent, ce sont des gens.

Le dessin emprunte la même trajectoire. Pablo Picasso adopte un style bien à lui et se laisse porter par des motifs mythologiques pour raconter l’événement, soit. Bruno Loth favorise pour sa part un trait simple et réaliste qui se marie harmonieusement à la trivialité des habitants du village. Le propos est similaire, à cette différence que l’un parle à l’esprit, alors que l’autre s’adresse au cœur. En fin d’album se trouve une reproduction du tableau. Le bédéphile qui en scrute les détails y découvre une mère pleurant son enfant mort, un cheval éventré, une dame blessée à la jambe… Un peu comme si Guernica, la peinture, synthétisait les dernières pages de Guernica, la bande dessinée. À moins que ce ne soit l'inverse.

Un scénario intelligent et habilement construit, faisant preuve de beaucoup de sensibilité.

Moyenne des chroniqueurs
8.0