Le voleur d'estampes 2. Tome 2

T out Enoshima ne parle que du cambrioleur qui sévit dans les riches palais sur la colline. Qui se cache sous son masque de tengu ? À qui et à quoi s’en prendra-t-il la prochaine fois ? Une chose est certaine, le gouverneur local et le colonel qui dirige les troupes n’ont qu’un souhait : l’attraper. C’est d’ailleurs la condition sine qua non pour que le second convole avec la jolie fille du premier. Ils ignorent que la belle connaît l’insaisissable détrousseur et passe de longues heures nocturnes en sa compagnie. Celui-ci lui a promis de l’aider à fuir sa destinée, mais çà, c’était avant qu’il ne projette de dérober le gigantesque Bouddah trônant dans le temple des songes. La jeune femme prévient son ami de ses visions funestes, lui n’en démord pas : il tentera le coup. Réussira-t-il ?

Imaginer une aventure derrière les paysages et les scènes figées des ukiyo-e, tel est le défi relevé par Camille Moulin-Dupré dans Le voleur d’estampes. Indéniablement, il a pleinement réussi. Car sous la couverture à la composition délicate et à travers des pages au toucher aussi velouté que l’impression laissée par l’encre noire qui les imprègne, l’auteur est parvenu à animer un univers et des personnages qui semblent sortis des œuvres des plus grands maîtres du genre (Utamaro, Hokusai, Hiroshige, etc). Véritable invitation au voyage et au dépaysement, le récit propose de suivre les aventures rocambolesques d’un commis de cuisine qui, à la tombée du jour, troque son tablier contre la panoplie du monte-en-l’air. Ce Lupin nippon se révèle attachant et il est plaisant de découvrir quel tour il utilisera pour emporter le bien convoité ou pour se sortir de situations risquées. À l’opposé, ceux qui le traquent paraissent aussi bêtes que méchants, tandis que la belle héritière opiomane suscite également la sympathie.

Dans ce deuxième tome, les choses se corsent et la nouvelle ambition du principal protagoniste se heurte à la volonté renforcée de ses ennemis à le faire tomber - au propre, comme au figuré. Avec les hallucinations tirées de l’opium, le fantastique se mêle à l’affaire, alors que, dans la réalité, les ressentis des habitants de la bourgade portuaire sont partagés, les uns soutenant sans partage le cambrioleur des nantis, les autres fustigeant les conséquences de ses actes pour la petite communauté. Quelque peu théâtralisée, la narration progresse au rythme de la succession des tableaux et de l’intensification dramatique jusqu’à un dénouement à la saveur douce-amère. Davantage encore que le propos, le dessin de Camille Moulin-Dupré fascine et constitue un hommage appuyé aux créateurs d’ukiyo-e. Loin des stéréotypes du manga, le graphisme s’inscrit pleinement dans la lignée de cet art japonais ancien. Chaque case, chaque attitude, chaque visage en porte la marque. Si cela induit un certain statisme, l’expressivité, elle, est néanmoins bien présente et le découpage, précis et aéré, parvient à assurer une bonne fluidité. La majeure partie de l’histoire se déroulant de nuit, le noir domine, les traits blancs ou les nuances de gris s’en détachant pour insuffler vie et donner du corps à l’ensemble.

Joliment illustré, Le voleur d'estampes offre un moment de lecture des plus agréables. À découvrir.

Moyenne des chroniqueurs
7.0