Paris 2119

L e XXIIe siècle est l’époque du transport dématérialisé instantané, une technologie qui est venue s’ajouter à la virtualisation quasi-généralisée des échanges humains. Certains, comme Tristan Keys, préfèrent plutôt s’en tenir à des pratiques plus éprouvées, quoique devenues désuètes. Écrivain, il aime prendre le métro pour aller à ses rendez-vous et, au grand jamais, on ne le verra entrer dans une de ces satanées cabines TranScore. Cela lui permet de garder les pieds sur terre, au contact d'une déliquescence que la « réalité » numérique tente à tous prix d'estomper.

Après The End, Zep propose un nouveau récit d’anticipation. Parfaitement calibré, Paris 2119 reprend les passages obligatoires du genre. Le héros, un outcast volontaire, est témoin d’anomalies dans un système prétendument infaillible. Il entreprend alors une enquête afin d’en apprendre plus, au grand dam des autorités et de ses amis, cela va sans dire. Pour nourrir son album, le créateur de Titeuf transpose à peine les tendances sociétales actuelles : surconsommation, peurs climatiques, sécurité et, c’est à la mode, le transhumanisme. Fluide et habilement construit, le scénario se montre efficace à défaut d’être totalement original.

Derrière les gadgets du moment, Dominique Bertail dépeint une capitale française guère différente de celle que nous connaissons, à cent ans de crasse près. Très posé et figuratif, son trait évite néanmoins de tomber dans le photoréalisme. Résultat, le rendu est vibrant et nullement glacé. Le dessinateur de Ghost Money réalise ainsi la fusion improbable de la sensibilité de Frederik Peeters avec la précision toute informatique de Fred Beltran.

Il y a près de quarante ans, SOS Bonheur était basé sur les craintes d’un système étatique ne désirant que notre bien, Paris 2119 prend le relais en extrapolant les dernières innovations de la vie connectée. Qu’il soit signé Van Hamme ou Zep, le futur fait froid dans le dos ; heureusement, il reste l’amour.

Moyenne des chroniqueurs
5.7