Grass Kings 1. Tome 1

D e nos jours dans l'Amérique profonde, certaines personnes anarchistes ou en quête d'identité s'approprient de vastes territoires pour y vivre en semi-autarcie. Les frères Grass sont de ceux-là. Et parmi eux, il y a le cadet, Robert, endurci par une existence qui ne l'a pas épargné et qui se retrouve à la tête d'une petite communauté se refusant au monde extérieur. Autant vous prévenir, il ne fait pas bon s'aventurer sur leurs terres sans montrer patte blanche, à moins d'être une jeune fille qui débarque subitement pour leur demander de l'aide.

«Now entering the Grass Kingdom» - Avertissement inscrit sur un panneau d'indication.

Annoncé par les critiques US comme un «must-read», Grass Kings, unanimement salué par la presse spécialisée, est la nouvelle série noire écrite par Matt Kindt. Plébiscité pour une cinquantaine de titres à son actif dont notamment les comics Pistolwhip et Lost Girls, son travail dans Super Spy a été récompensé par un Harvey Award. Dans cet ouvrage, il y est question d'un groupuscule de marginaux qui occupe, de manière illégale mais néanmoins tolérée par les autorités, un terrain assez conséquent baptisé «le royaume». Aux côtés des frangins Grass, évolue un collectif de losers aussi attachants que répugnants. Chacun y tient un rôle bien précis et, mis à part quelques petites tensions avec le shérif du comté avoisinant, tout semble aller pour le mieux, jusqu'au jour où une demoiselle apeurée pénètre dans leur territoire afin de solliciter du secours. Les vieux démons encore présents dans le ciboulot ravagé de Robert vont alors inévitablement resurgir, le vieux chafouin se faisant rattraper par son douloureux passé. Outre un thriller bien ficelé et qui prend son temps pour exercer sa mainmise sur l'esprit du lecteur, les pincées d'humour ne sont pas en reste avec des répliques à faire pâlir un puriste comme l'était Michel Audiard.

Amis lecteurs, pas d'affolement ! Ce qui pourrait apparaître de prime abord comme un visuel volontairement approximatif voire, pour certains, manqué, est en définitive tout son contraire. Les traits étonnants de Tyler Jenkis, qualifiés de semi-réalistes parce qu'à l'évidence vite crayonnés, parviennent au final à rendre des personnages charismatiques, bourrus, avec de vraies gueules abîmées par des vies compliquées. Les arrière-plans ne dépareillent pas en correspondant en tout point à l'ambiance polar-country. La touche finale vient des couleurs pastel, tendres et claires, et qui débordent légèrement des limites fixées par les contours, apportant un contraste saisissant avec la tension et la violence du synopsis. Le résultat est une prouesse graphique de toute beauté.

Robert - «En raison de l'augmentation du prix des munitions, il n'y aura pas de tir de sommation.»
D. Roy - «Les bédéphiles sont prévenus et pacifistes, Robert ! Baissez le fusil et Laissez-les pénétrer quelques instants dans votre domaine, juste le temps de découvrir votre histoire. Certainement conquis, ils souhaiteront revenir vous voir pour en apprendre davantage.»

Moyenne des chroniqueurs
7.8