Les métamorphoses 1858 1. Tyria Jacobaeae

P aris, milieu du XIXème siècle. Sorti des nombreuses filatures en vue de constats d'adultère, les affaires intéressantes ne se bousculent pas à la porte de la garçonnière de Stanislas Andrzej. Aussi, quand un jeune homme se présente à son domicile pour le supplier de retrouver sa petite sœur disparue depuis une dizaine de jours, le détective comprend qu'il y a là de quoi rompre sa monotonie. Assisté de son colocataire, il saisit l'opportunité en acceptant de bûcher sur ce dossier. Et ce qu'ils vont découvrir ensemble dépassera l'entendement.

La bande dessinée accueille un nouveau duo d'auteurs. Une équipe de « bleus » aux styles déjà très affirmés et qui, pour leur premier album, font preuve déjà de qualités hors du commun. Attention, talents !

Tout d'abord, il y a Alexie Durand qui a choisi pour cadre de ce thriller terrifiant une capitale française, qui après les grandes épidémies de choléra, est en pleine restructuration et modernisation dans bien des domaines : alimentation en eau potable, constructions de plusieurs édifices publics toujours en fonction et d'utilité à ce jour, approfondissement des connaissances médicales et évolution des techniques chirurgicales. Outre l'intérêt indéniable porté à une enquête solide et déconcertante, le scénariste privilégie, une fois n'est pas coutume pour l'époque, une attention toute particulière envers la défense des petites gens au détriment d'une aristocratie et d'une bourgeoisie qui continuent de se gaver de privilèges. Son binôme d'enquêteurs et la méthodologie utilisée afin d'aborder cette énigme ajoutent de l'engouement pour ce premier acte d'une trilogie où les frissons et le suspense sont garantis. Influence probable, Tyria Jacobaea rappelle Les Mystères de Paris, le roman-fleuve écrit par Eugène Sue ou encore les excellentes enquêtes de Hyacinthe et Narcisse Roquebère aux éditions de l'Atalante.

Pour évoquer le dessin de Sylvain Ferret, nul besoin d'aller bien loin. Sa couverture soignée et surtout très énigmatique est une invitation à s'engouffrer dans l'album. La publicité n'est pas mensongère puisque le lecteur est aussitôt happé par un tourbillon de cases superbes, toutes plus véridiques les unes que les autres. Cette agréable impression est vite confirmée par des seconds plans hyper réalistes : rues pavées à se tordre une cheville, carrosses qui incitent à la ballade ainsi que des bâtiments religieux à faire pâlir d'envie n'importe quel ecclésiastique. À cela, il faut ajouter un souci prononcé du détail, des cadrages variés, et une colorisation qui alterne le clair et le froid. Enfin, pour amplifier le suspense lorsque la tension monte de plusieurs crans et que l'action s'emballe, l'illustrateur a su poser un encrage beaucoup plus vif et des prises de vue qui sortent de l'ordinaire.

Scénario incisif, dessin envoutant, tout est réuni pour tenter de percer les nombreux mystères laissés en chemin et qu'il plaira d'élucider en lisant la suite.

Moyenne des chroniqueurs
8.0