Horlà 2.0

L e chat de Schröndiger peut être à la fois mort et vivant. Paraît-il que ce paradoxe explique la physique quantique. C’est du reste la science qui justifie l’étrange aventure de K, lequel se rend à Lointaine province pour travailler à la programmation d’un logiciel de réalité augmentée. À peine est-il arrivé que d’étranges phénomènes surviennent : il découvre une photo de lui, enfant, dans la vitrine d’un commerce, il déduit que son logis cache en son centre une pièce inaccessible, sans oublier une ombre qui, la nuit venue, boit son eau et semble vouloir l’étouffer. Une série de rencontres ont aussi l’heur de le perturber. Celle d’une vieille femme qui a l’air de très bien le connaître, puis une fillette entreprenante et enfin la voisine d’en face aux tendances exhibitionnistes.

Il y a un peu de tout dans Horlà 2.0 : un brin de fantastique et de mystère, une critique des technologies, des amours compliquées et quelques clins d’œil littéraires ; d’abord à Guy de Maupassant, puis à Franz Kafka dont un personnage est également désigné par la 11e lettre de l’alphabet. Le rythme se montre plutôt lent ; Serge Annequin se donne le temps d’établir les choses, de présenter les gens et d’exposer les événements. Le récit demeure un brin complexe et laisse perplexe. Il faut reconnaître qu’une fiction soutenue par une théorie scientifique quasi incompréhensible constitue toujours un pari audacieux, particulièrement lorsque la thèse se révèle la clef de l’énigme. Au final, le lecteur n’est pas tout à fait certain d’avoir compris les subtilités de la fable, mais il passe néanmoins un agréable moment.

Le dessin est simple et sympathique. L’artiste choisit d’affubler le héros d’une tête de lapin, un artifice singulier qui constitue le fil conducteur de l’entreprise. Le profil de l’animal est reproduit à de nombreuses reprises, parfois pour éclairer la narration, parfois pour l’obscurcir. Le conteur fait par ailleurs pleinement confiance au pouvoir d’évocation de ses illustrations et n’hésite pas à offrir à ses images l’espace dont elles ont besoin pour s’exprimer, sans être interrompues par des dialogues. Souvent elles se contentent d’évoquer la banalité du quotidien pour mieux manipuler le bédéphile. À titre d’exemple, l’homme à la tête de lagomorphe entre dans son appartement, sirote une bière, fume une cigarette et mate l’impudique qui porte dans ses cheveux une pince arborant une bestiole aux longues oreilles. Ce n’est pas vraiment spectaculaire, juste un peu étrange. Rien n’est d’ailleurs fortuit dans cette histoire. Tout doit être observé, tout doit être décodé. C’est ce qui fait la force de cette nouvelle.

Mais au fait, quand le livre est fermé, K est-il mort ou vivant ? À moins que ce ne soit les deux ?

Moyenne des chroniqueurs
6.7