Colville

C olville est une petite bourgade paumée du sud de l'Ontario. La vie y est paisible en ce début d'année 1990. Commerces, école, transports, bâtiments administratifs, elle dispose de toutes les commodités. Seul pépin, son cadavre : celui de David, une petite crapule locale au passé chargé qui a été lâchement abattue d'une balle dans le dos. Son meurtrier qui est convaincu d'avoir verrouillé son affaire est pourtant très loin de se douter que la scène a été épiée depuis le début.

Pour son lancement dans l'édition, Revival, qui s'est donné pour vocation de dépoussiérer quelques grands classiques et de promouvoir de jeunes talents, publie Colville de Steven Gilbert, auteur méconnu, et dont la qualité première n'est visiblement pas le dessin. Minimaliste dans les traits des visages, non-respect des échelles des tailles des personnages, absence d'arrières plans ou au mieux simplistes et répétitifs, son coup de crayon s'apparente davantage à une succession de croquis améliorés. Ses seuls atouts résident dans l'utilisation du noir, blanc et gris et de ses variantes, ainsi que dans l'emploi d'une multitude d'hachures qui présentent l'avantage d'apporter du relief.

« Il n'est pas de sanctuaire pour le meurtre ; il n'y a pas de barrière pour la vengeance » - William Shakespeare

Le lecteur est convié à suivre essentiellement les déboires d'un jeune et sympathique loser dans son souci de rédemption. Bien malgré lui, il va faire l'objet d'une redoutable et implacable manipulation, entrainant, tel un premier de cordée, d'autres protagonistes dans sa chute. Méconnu et discret, l'auteur à la fois scénariste et dessinateur, tortueux mais néanmoins fin stratège, répand les fausses pistes et retournements de situation jusqu'à lever le voile à mi-parcours sur un thème très controversé, effrayant et morbide. Sans en dévoiler le contenu, il est indispensable de faire un peu de prévention, car le scénariste n'y va pas de main morte en incorporant quelques scènes d'une violence inouïe où la cruauté et la barbarie choqueront forcément. D'autre part, les déchronologies beaucoup trop abondantes, et l'absence préjudiciable de texte dans de nombreuses cases contribuent à semer une réelle confusion dans les esprits, à tel point que le lecteur est obligé de retourner feuilleter les planches à maintes reprises pour comprendre pleinement les rouages d'une vengeance malsaine.

Certes palpitant mais au canevas trop tarabiscoté et aux tracés peu engageants, l'ouvrage est avant tout destiné à un public averti. The brave (Rafael, derniers jours), le roman et chef-d'oeuvre de Gregory Mcdonald restant de très loin la référence en la – triste - matière.

Moyenne des chroniqueurs
5.0