Sociorama Vacances au bled

C ’est l’été, les vacances sont là. Trois femmes et un homme font leurs bagages, destination Sétif, en Algérie, où chacun a des origines familiales. Si Férouze aimerait retrouver ses racines, sa cousine Nesrine et Sélim entendent bien s’amuser dans tous les endroits à la mode. Quant à Sabrina, entourée de sa marmaille, elle retrouve avec plaisir la maison qu’elle et son mari ont fait construire. Une vraie et une grande, pas comme leur logement en France. Mais, voilà, au bled, il faut aussi composer avec les traditions, les interdits, les sollicitations de la parentèle ou encore les marieuses…

Paru en même temps que La petite mosquée dans la cité, Vacances au bled entraîne le lecteur de l’autre côté de la Méditerranée dans les pas de quelques jeunes beurs en congé. À l’instar des autres titres de la collection, l’aspect sociologique ressort fortement du propos, avec ses explications et ses mises en scène de situations caractéristiques. Bien qu’il soit difficile d’éviter les clichés (les meubles sur la voiture remplie à ras bord de valises et autres sacs, par exemple), l’ensemble constitue tout de même un tableau saisissant d’une certaine réalité.

Sociologue, Jennifer Bidet met particulièrement en avant le décalage entre les deux mondes auxquels les personnages sont confrontés : une liberté relative en France où ils sont nés, ponctuée par des difficultés quotidiennes d’emploi ou de logement d’un côté et, de l’autre, des coutumes algériennes plus strictes, mais l’impression de pouvoir claquer facilement et à moindre coût l’argent durement acquis. D’autres points qui n’ont rien d’anodin sont également abordés, tel que le barrage de la langue, le dialecte arabe local n’étant pas forcément maîtrisé par les protagonistes, ou la séparation entre l’univers des hommes et celui des femmes dont Nesrine tente de s’affranchir, malgré les remontrances de son oncle. Les garçons – Sélim et son cousin – ne sont pas non plus épargnés par les mauvaises surprises et le retour aux évidences ne s’avère pas toujours des plus plaisants.

Au dessin, Singeon (Tristan et Yseult, Sauvetage, De concert) livre des planches en noir et blanc de bonne facture. Son graphisme caractérisé par un trait à la ligne claire différencie bien les différents acteurs et leur confère une personnalité reconnaissable. Les plans et les cadrages sont variés, tandis que le découpage soigné assure une bonne lisibilité.

Forte de la mise en scène d'expériences nuancées de quatre Français d'origine algérienne lors de leur séjour estival, cette bande dessinée sociologique se lit avec intérêt.

Moyenne des chroniqueurs
6.0