Superman (Capeder) Superman

C hris a un job à responsabilités qui lui plaît, l'occupe beaucoup et pour lequel il nourrit pas mal d'ambition. Il est papa d'une adorable petite, a une femme aimante, des amis et des parents qui admirent sa réussite, et même, à l'occasion, quelques maîtresses. Mais cela ne semble pas lui suffire... Qu'est-ce qui lui manque et le fait tant courir ? Où va-t-il donc s'arrêter ?

L'artiste touche à tout qui s'était illustré en 2010 avec Le 7, revient à la bande dessinée pour conter à nouveau l'histoire d'un personnage aux prises avec un profond mal-être. Gion Capeder, qui aime à s'attacher aux tourments de l'âme qui frappent des gens ordinaires, invite à suivre quelques jours dans la vie de son héros apparemment sans aspérité. Pourtant, son cadre dynamique comme il en existe tant n'est pas bien dans sa peau et cherche de nouvelles expériences pour se sentir vivant. S'appuyant sur un trait clair, l'auteur habille les quelques cent dix-sept planches d'un graphisme froid (aussi bien dans les décors rectilignes que le peu d'expressivité des personnages) qui n'est pas sans rappeler certaines productions américaines et notamment des Chris Ware et Adrien Tomine. Ce choix crée une certaine distance avec le héros et renforce l'antipathie qui se dégage de cet homme que rien ne semble véritablement émouvoir. Comme le lecteur, il est incapable de comprendre ce qui lui fait tant défaut et la source de l'insatisfaction constante qui le ronge. La quête de plaisir, tant charnel qu'à travers la réussite sociale, guide ses pas et tend à combler un manque indicible. C'est grâce à l'adrénaline que, temporairement du moins, il y parvient.

La mise en page aérée, l'économie de texte et la colorisation aux tons gris participent à cette impression de monotonie, de lente descente qui conduit vers l'inexorable. Car à mesure des évolutions, des désillusions comme de la multiplication des tentatives pour reprendre le dessus, l'issue se dévoile. Le mal-être, que Chris n'arrive pas à verbaliser, ne partage pas ou peu, transpire de ses actes autant qu'il apparaît insondable. Son absence d'humanité, son égoïsme exacerbé soulignés par le fait de rarement dessiner le visage des maîtresses et de sa fille, rend complexe une quelconque identification. Le lecteur ne suit dans ce tourbillon, en spectateur, sans forcément adhérer et au final, ce voyeurisme met mal à l'aise.

Récit glaçant tant dans son propos que dans sa représentation, Superman interpelle à défaut de totalement convaincre. Une œuvre singulière qui n'est toutefois pas dénuée de qualités.

Moyenne des chroniqueurs
5.0