Les Égarés de Déjima Les égarés de Déjima

A msterdam, 1884. Le jeune Thierry de Hasselt (un clin d’œil au créateur du Frémok ?), empli d’une passion enfiévrée pour la culture japonaise, embarque clandestinement sur un navire de la Compagnie des Indes Orientales à destination de l’île de Déjima, seul lieu de l’archipel nippon tolérant la présence d’étrangers durant les quelques deux siècles de la période d’Edo. Après une traversée mouvementée, il est secouru par un rōnin lunatique, qui l'entraînera dans une folle fuite en avant à la recherche d’un maître zen, une épopée pleine de cavalcades, de complots et de rebondissements.

C’est peu dire que Nicolas Wouters et son jeune complice (c’est la troisième fois que le scénariste enrôle un dessinateur néophyte pour le seconder) ne font pas dans la demi-mesure : le rythme est frénétique, l’action constante, l’intrigue touffue, pour ne pas dire luxuriante. Les péripéties s’enchaînent sans temps mort, multipliant les coups d’éclat, batailles rangées, manœuvres politiques, conjurations, poursuites, dérobades, subterfuges, le candide Hollandais et son fantasque compagnon étant au cœur de l’attention des habitants du pays. Comme dans tout récit d’apprentissage qui se respecte, les épreuves feront grandir et mûrir le jouvenceau, au gré des événements, des rencontres, des pertes. Le ton oscille entre dramaturgie et burlesque, alternant scènes tragiques et pantalonnades, selon l’humeur de l’ancien samouraï à moitié fou flanquant le héros. Il ressort de cette accumulation d’épreuves et de mésaventures une certaine impression de trop-plein, de n’en jetez plus la cour est pleine, car même si la narration est relativement bien maîtrisée, l’invraisemblance des situations érode peu à peu l’empathie envers les protagonistes.

La partie graphique est à l’unisson, audacieuse, dantesque, excessive, d’une densité rare, empilant les morceaux de bravoure, multipliant les scènes épiques avec, il faut l’avouer, un bonheur certain, tant conserver une bonne lisibilité aux vignettes relevait parfois de la gageure. Le trait de Michele Foletti est fin, sec, saccadé, dynamique, avec beaucoup d’attention portée au mouvement, aux attitudes, mais quelquefois aussi des maladresses dans la gestion de l’espace. Reste que de nombreuses cases sont élégamment composées, s’inspirant des estampes traditionnelles japonaises, soutenues en cela par une mise en couleurs générant de belles réussites. Les tons bleus notamment sont très beaux, et puis les scènes nocturnes, les scènes hivernales, les paysages, autant de passages emportant l’adhésion.

Un album détonnant, plein de fraîcheur, alliant les défauts et les qualités d’une œuvre de jeunesse, la fougue et l’inventivité d’une part, la maladresse et l’exubérance d’autre part. À noter une regrettable inversion de pages sur cette première édition qui risque de désarçonner le lecteur non averti.

Moyenne des chroniqueurs
7.0