Layla - Conte des marais écarlates

P arti chercher des champignons pour égayer la pauvre table familiale, Grenoye s’égare et tombe dans les marais. Il est alors assailli par une magnifique femme nue accompagnée d’une nuée de serpents. Alors qu’il croit sa dernière heure venue, il se réveille au bord de la forêt. Hanté par le souvenir de cette créature ensorcelante qu’il est persuadé d’avoir réellement rencontrée, il cherche à la revoir, en vain. Treize ans plus tard, le destin va les rapprocher à nouveau et celui du maintenant jeune père va totalement basculer.

Jeremy s’est fait connaître comme dessinateur. Le voici assumant la fonction de scénariste et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’essai est probant. Le lecteur se voit offrir une variation fantasy de la légende de la Vouivre, plus proche du conte que de l’épopée guerrière. L’auteur s’appuie sur des ressorts classiques derrière lesquels pointe, peut-être, l’influence de Jean Dufaux, un de ses mentors : l’amour, le mal, les sorcières, la malédiction, la mort et la vengeance. Certes, les thèmes sont connus, cependant, en mélangeant et adaptant les figures mythiques (le dragon/serpent) et celle de Marcel Aymé dans son roman La Vouivre (une mystérieuse femme), le déroulé s’avère riche et prenant. Le récit foisonnant enchaîne péripéties, rebondissements et destins qui s’entrechoquent. Pas d’enjeux politiques ou géostratégiques ici. Ce sont les êtres, ainsi que leurs aspirations et leurs fêlures, qui sont le centre d’intérêt. Habilement construits, les personnages (principaux comme secondaires) sont très vite intéressants et vivants, et se dévoilent au fur et à mesure des événements, faisant grandir l’intensité dramatique jusqu’à une fin saisissante.

Cette superbe fable romanesque, noire et pleine de passions a trouvé dans la prestation graphique de Mika l’écrin pour la mettre en valeur. Au sein de cadrages adaptés et d’une colorisation soignée, son trait réaliste, qui n’est pas sans rappeler celui de Mohamed Aouamri, est attirant et s’accorde aux atmosphères de l’aventure. Il sait se faire tendre ou puissant, séduisant ou repoussant, apaisant ou inquiétant, que ce soit à travers des décors évocateurs ou des protagonistes marquants.

S’appuyant sur un certain classicisme, les deux artistes proposent un voyage attrayant dans un univers extravagant et barbare.

Moyenne des chroniqueurs
6.6