Sociorama La petite mosquée dans la cité

A rchitecte de profession, Moussa est aussi imam. En trente ans, il a vu le nombre de fidèles augmenter et la petite mosquée Salam, installée dans un ancien commerce, s’étendre lentement. Mais voilà que le plan d’urbanisme communal prévoyant de raser les édifices du quartier chamboule tout. Il devient urgent de trouver un nouveau local et de penser concrètement à bâtir ce « vrai » lieu de culte que tous appellent de leurs vœux. Faut-il encore décider comment le financer et où l’installer… Une affaire d’autant plus épineuse que Moussa et Omar, son suppléant plus rigoriste, ne sont pas d’accord sur le sujet.

Ayant pour vocation d’allier bande dessinée et sociologie, la collection Sociorama, assez inégale jusqu’ici, propose, à travers La petite mosquée dans la cité, une plongée au cœur de la communauté musulmane d’une ville de banlieue. Bien que le récit demeure fictif, il porte en lui la marque des dix années d’enquête et d’étude de l’Islam hexagonal menées par Solenne Jouanneau. Cette expérience de terrain confère une authenticité indéniable à l’album et constitue l’une de ses forces. Par ailleurs, de nombreux aspects sont abordés : le rôle de du guide spirituel, évidemment, mais aussi la solidarité entre coreligionnaires, le poids de certaines coutumes, l’influence des deux sexes, les dissensions internes ou avec les autres groupes de la population et les relations avec les élus locaux. Les thématiques plus délicates ne sont pas en reste et il est ainsi question de la surveillance policière, des convertis avides d’apprendre et des croyants dont la pratique se révèle plus intransigeante, avec tout le cortège de difficultés sociales que cela entraîne dans un pays laïc. Enfin, cristallisant tensions et rivalités au cœur même de la foi, les interrogations autour de la construction du nouvel édifice religieux se révèlent intéressantes autant qu’instructives.

Le fond est donc riche. Sa mise en forme s’avère, elle, assez bien faite et agréable dans l'ensemble, passé le côté un peu artificiel de la survenue ponctuelles d’informations, certes pertinentes et utiles, au milieu de l’histoire. Il est néanmoins dommage que les protagonistes, pourtant bien caractérisés, ne soient pas davantage approfondis et que leurs attentes ou sentiments demeurent survolés. Doté d’un trait fin et expressif qui parvient à bien différencier les différents intervenants, le graphisme de Kim Consigny est fluide, réaliste et efficace.

Aisé à lire, ce one-shot parvient à susciter curiosité et intérêt ; dommage qu'il lui manque la petite flamme qui le rendrait captivant.

Moyenne des chroniqueurs
6.0