Noise (Tsutsui) 1. Tome 1

À Shishikari, comme dans la plupart des zones rurales au Japon, l'exode vers les grandes métropoles s'intensifie au fil des années. Ce petit village fait pourtant office d'irréductible. La raison ? L'exploitation et la commercialisation d'une variété de figue qui a permis non seulement de maintenir une stabilité démographique salutaire mais aussi, figue ou cerise sur le gâteau, de capter des ressources financières inattendues. C'est dans ce contexte que Keita Izumi, aidé de Jun Tanabe, gère le principal verger du coin. L'arrivée d'un étranger à la recherche d'un emploi va bouleverser le bel équilibre de cette petite communauté. L'homme n'inspire confiance à personne, d'autant que Jun apprend rapidement que c'est un criminel fraîchement sorti de prison.

En une poignée de one shots et de séries courtes, Tetsuya Tsutsui s'est imposé comme l'un des maîtres du thriller et le fer de lance de la maison d'édition française, Ki-oon. Son secret ? Mêler astucieusement suspense et enjeux de société et capter l'attention du lecteur sans aucun relâchement. Originaire de la province japonaise, il a délaissé les milieux froids et urbains de ses précédentes créations pour asseoir son récit dans une ambiance plus champêtre, débarrassée des nouvelles technologies. Là où la vitesse de l'information était décuplée, notamment par le biais d'internet dans Prophecy ou Manhole, elle est dans Noise principalement véhiculée par le bouche à oreille. Une autre particularité des récits du mangaka est de transformer un simple quidam en meurtrier potentiel, conséquence de l'affrontement entre justice personnelle et institutionnelle. Tsutsui ne prend jamais parti mais interroge son lecteur : et toi, qu'aurais-tu fait à sa place ? Aurais-tu tendu la main à cet ancien taulard ? Ses personnages sont constamment sur la corde raide, prêts à tomber dans le précipice. Le manichéisme est absent et, en ce sens, chacun se fera sa propre morale.

Un soin tout particulier est apporté aux regards. Comme le rappelle l'auteur de Poison City, toutes les émotions passent par les yeux. Les plans rapprochés sont légion et font même l'objet de planches muettes, comme celle p156-157 dans laquelle une succession de visages transpirants et inquiets laissent deviner une tension presque palpable : le 7ème Art n'est pas loin.

Excellente entrée en matière, ce premier tome de Noise, qui en comportera trois, contient tous les ingrédients d'un parfait thriller : captivant, intelligent et angoissant.

Moyenne des chroniqueurs
7.0