La mort vivante La Mort vivante

M artha est inconsolable depuis le décès accidentel de sa fille survenu au cours de fouilles archéologiques sur l'ancienne Terre, aujourd'hui dévastée. L'espoir pourrait venir de Joachim, un jeune et brillant spécialiste en nanobiologie, assigné à résidence sur la planète Mars. D'abord contraint, puis conscient de l'opportunité de pouvoir reprendre ses propres recherches et expériences dans ce domaine, le scientifique accepte la proposition insensée de faire de Lise une réplique aussi parfaite que possible. L'opération est à la hauteur de l'enjeu : périlleuse ! Car la vie peut séparer tout autant que la mort, sinon plus...

Olivier Vatine (AquablueCixi de Troy) déterre, après celui de Niourk, un nouveau dossier de Stefan Wul initialement publié en 1958 sous la forme d'un roman de science-fiction post-apocalyptique. Édité chez Glénat, associé pour la première fois à Comix Buro, l'adaptation qui en est faite dans ce récit complet lui reste fidèle sur les grandes lignes. À première vue, elle pourrait paraître désuète pour certains puisqu'entre-temps quelques longs métrages et œuvres littéraires sont passées par là, distillant jusqu'à satiété leur lot de colonisateurs en tous genres et autres versions d'anéantissement et d'assouvissement de l'espèce humaine.

Nonobstant, et ayant déjà fait ses preuves sur des ouvrages similaires, le scénariste parvient à passer outre et à remettre le thème au goût du jour en y apportant sa touche personnelle. La présentation rapide du contexte futuriste et de ses règles régissant l'astre occupé effectuée, l'action est principalement confinée au sein d'une authentique forteresse allemande légèrement modifiée pour l'occasion. Ambiance et costumes de l'époque victorienne, architecture néo-gothique, distribution variée tels que personnages tourmentés et bestioles hideuses viennent enrichir le décor et les artifices gravitant autour d'une héroïne obnubilée par sa quête absolue de reviviscence.

Le dessin ? Beau et soigné. Pour preuve la magnifique couverture réalisée avec une peinture à l'huile et qui d'entrée donne le la. Une fois le premier plat savouré par des mirettes écarquillées et qui suffirait presque à lui seul à susciter l'admiration ou tout au moins taquiner la curiosité, la suite et son contenu ne sont que la concrétisation de la dextérité et du talent d'Alberto Varanda (Bloodline, La geste des chevaliers dragons, Elixirs). Après un break conséquent, le sculpteur de formation revient pourvu d'une imagination féconde et décuplée dans un style qu'il sait influencé par Franklin Booth ou encore Gustave Doré.

Si le contenu de certaines petites cases apparaissent étonnamment moins travaillées, le trait est toutefois méticuleux et perfectionniste et n'est pas sans rappeler ceux de François Schuiten et Andréas dans leurs œuvres respectives. Le travail intense sur le clair-obscur mélangeant les niveaux de gris et les hachures ainsi que le graphisme très technique proche du rendu de la gravure auront nécessité quatre années de dur labeur. «Épuisant» pour reprendre ses propres termes. Afin de l'apprécier à sa juste valeur, les plus réactifs pourront se ruer sur une édition limitée en noir et blanc un peu plus épaisse.

Grâce à un story-board pointu et maîtrisé, La Mort vivante s'avère prenante voire oppressante de bout en bout, le lecteur restant entravé dans les mailles d'un ouvrage dont il est bien difficile de s'extirper.