Les porteurs d'eau

I l y a un coup à faire et quelques billets à palper. C’est ce que c’était dit Jérôme Pignon et Florian Cornu ; ils ont les contacts en amont et en aval et le cash pour amorcer l’affaire. Acheter et revendre rapidement des produits dopants à des cyclistes pas trop regardants, ça devrait le faire. Dommage que les Douanes aient eu l’idée de débarquer lors du rendez-vous avec leur fournisseur. Changez de braquet les gars, c’est le moment de filer rapidos…

Deux amis pris dans un engrenage trop grand pour eux, les flics et la mafia à leurs trousses, Les porteurs d’eau a tout du thriller à suspens. Ajoutez-y l’univers de la petite reine et ses arrangements, l’ombre d’une gloire du passé et des médias toujours prêts à se jeter sur un scandale juteux et vous obtenez un véritable roman noir dans la plus pure tradition. Fred Duval exploite à bon escient et méthodiquement les aspects les moins reluisants du cyclisme (tant professionnel qu’amateur) dans un road movie à la distribution pléthorique.

Le scénario ne s’arrête pas là et dresse également un portrait fort des seconds couteaux du peloton et de la vie en général. Duval les montre tels quels, sans les accuser, mais sans les excuser pour autant. Ils font tous volontairement partie d’un système basé sur le mensonge et les regrets seront pour après ou pas. Plus réaliste que cynique, le récit évite les facilités dramatiques ou le pathos (sauf à la télévision, évidemment) et s’avère finalement profondément humain, policiers y compris.

Graphiquement, Nicolas Sure offre une galerie de protagonistes convaincante malgré un trait un peu statique. Sans oser la comparaison avec André Franquin et son Tour du Sud, la montée du Ventoux qui clôture l’album manque drastiquement de nerf et de mouvement. L’important n’est pas là. Sure a réussi à poser une véritable atmosphère dans ses descriptions des petites cités de province. Maubeuge, Dieppe, Volvic, etc., des ville-étapes immédiatement oubliées une fois la caravane partie. À l’image des héros, elles ne brillent pas, mais sont indispensables pour que les stars puissent faire rêver les foules massées sur les bords des routes. À n’importe quel prix.

Entre Ma révérence (Lupano/Rodguen) et Le chemin de l’Amérique (Thévenet/Baru), Les porteurs d’eau vont au charbon dans l’espoir de quelque chose de meilleur. Auront-ils la chance de porter le maillot jaune une fois la ligne d’arrivée passée ?

Moyenne des chroniqueurs
7.0