Aire Libre Les cahiers

E n 1988, Dupuis lançait Aire Libre, une collection destinée à une clientèle adulte. Les albums ont la particularité d’être en couleurs, de compter un nombre de planches variable et de ne pas être prépubliés. Ironiquement, pour souligner ses 30 ans, l’éditeur propose Les cahiers Aire libre, un périodique qui ne se consacre toutefois pas à la prépublication. Dans ce premier opus, la rédaction convie une vingtaine d’auteurs à se pencher sur une question toute simple : « Pourquoi faites-vous de la bande dessinée? » Quelques-uns répondront avec des mots, mais la plupart se prêtent à l’exercice à l’aide de cases et de bulles. Au travers de ces réponses se trouvent également des croquis tirés de carnets de voyage, par exemple ceux de Catel, Jorge Gonzalez et Miguelanxo Prado, tous trois sur la route de Compostelle.

La ligne directrice s’avère-t-elle trop banale ? Une chose est certaine, elle n’a pas vraiment inspiré les créateurs. Le propos est souvent convenu et empreint de nostalgie : découverte de l’oeuvre d’Hergé, de Moebius ou de Fred ; incompréhension, réprobation ou fascination de l’entourage, etc. Le bédéphile espérait pourtant être étonné ; d’autant plus que le magazine est traditionnellement un lieu d’exploration. En fait, c’est du côté des illustrations hors thème que s’offrent les plus agréables surprises. Les bédéistes profitent en effet de leur affranchissement des canevas du neuvième art pour explorer de nouveaux territoires et le lecteur a alors la sensation de pénétrer dans leur monde.

Enfin, l’objet affiche de belles qualités : le papier est mat et épais et l’impression excellente. La revue est par ailleurs recouverte d’une jaquette (double page de Bernard Cosey au recto et quadruple de Jean-Pierre Gibrat au verso). Le projet présente tout de même ses talons d’Achille, notamment la reliure (deux grosses agrafes défiant la résistance du carton) et une couverture fragile dont les coins finiront par rapidement s’abimer. L’amateur attend plus de caractère d’un produit vendu 16,5 euros.

Une publication qui se feuillette avec plaisir, mais tous savent bien que la rédaction de ces cahiers déborde de talents et qu’elle peut faire mieux. Une histoire à suivre.

Moyenne des chroniqueurs
5.0