Les deux Cœurs de l'Égypte 1. La barque des milliers d'années

E n ce jour de 1358, le soleil qui se lève sur Thèbes éclaire une bien funeste découverte : le grand voyant du temple, Pentju, gît aux pieds des statues de l'édifice, décapité. Une de ses dernières prédictions concernait la reine Tiyi et assurait que son futur enfant se révèlerait « un roi qui brillerait dans l'éternelle durée ». Si Iseri compatit au chagrin de sa sœur souveraine, elle ne s'empêche pas pour autant de voir l'élu de son cœur, Anouki. Mais le guérisseur peut difficilement faire face au général Manès, prétendant officiel et assurément très vindicatif. Un marché de dupes est conclu, rendant vacillant le triangle déjà en déséquilibre. L'amant éconduit tiendra-t-il parole ? Jusqu'où ira-t-il pour obtenir l'objet de ses désirs?

Cette nouvelle série de Makyo (Balade au bout du monde) se déroule en l'Égypte, sur deux lignes temporelles. Le début de l'intrigue se situe à l'époque contemporaine mais bifurque rapidement dans l'Antiquité, dévoilant le contexte de ce «retour dans le futur». Autour de la passion contrariée et poussée dans ses retranchements se greffe une intrigue de complot et d'arcanes ésotériques captivante. Le mélange se révèle bien dosé, ne tombant aucunement dans le déjà-vu ou dans un obscur délire mystique indigeste. Dans cette aventure, le scénariste parvient non seulement à poser des bases solides, mais aussi à suffisamment développer la personnalité des multiples personnages pour que le lecteur s'attache. Les différents fils s'articulent et s'entremêlent habilement de manière à ménager du suspense et ne lever le voile que petit à petit sur l'enjeu véritable du récit, qui laisse de nombreuses possibilités de développement intéressants pour la suite.

Un duo de dessinateurs talentueux (qui a déjà collaboré avec Makyo) se partage les illustrations : Alessandro Calore (récemment libéré de Je suis cathare), pour les quelques pages de la période actuelle et Eugenio Sicomoro (La porte du ciel), en charge de la partie ancienne. Ce dernier propose un travail de toute beauté, accordant caractère et corps à cette ambiance teintée de magie. Son style réaliste s'apparente à celui de Juan Gimenez et d'Ignacio Noé : pas d'encrage, mais un crayonné brut habillé des jolies couleurs d'Emiliano Tanzillo. Le grain de peau et les visages sont particulièrement bien rendus, avec des reflets de lumière ambrés qui accordent beaucoup de douceur à l'ensemble. Le seul petit bémol porte sur les arrière-plans, moins travaillés. Les scènes d'action sont découpées de manière dynamique, avec des cadrages et des plans étudiés pour varier le point de vue et accentuer le plaisir de lecture.

Un graphisme de qualité donne vie à un Caire à double visage dans une atmosphère fantastique et flamboyante. Dans les embruns qui entourent La barque des milliers d'années se reflètent les prémices d'une saga prometteuse.

Moyenne des chroniqueurs
7.0