Arthus Trivium 3. La jeune captive

A près avoir repoussé les hordes venues de l’Enfer, les disciples de Nostradamus se voient confier de nouvelles missions. Angélique et Angulus sont à Paris, sur les traces d’une certaine Gabrielle, disparue sans explication rationnelle. Leurs investigations les mènent dans l’atelier de maître Caron, là où la jeune fille a été vue pour la dernière fois. Les œuvres du peintre révèleront de précieux indices, ne concernant pas seulement l’enquête. Dans le même temps, Arthus est envoyé à Cucuron, où une pluie de sang inquiète la population. Il est flanqué de César, fils aîné de Michel de Nostre-Dame, amené à prendre la succession de son père vieillissant. Mais un mystère peut en cacher un autre et les comparses vont devoir faire face à des complications inattendues.

Le premier cycle de la série (Les Anges de Nostradamus et Le troisième magicien), fort réussi, mettait l’auteur des Centuries aux prises avec un ancien rival qui avait ouvert des portes interdites, permettant l’arrivée sur Terre de créatures aux desseins guère pacifiques. Raule (Jazz Maynard et Isabellae) reprend les mêmes ingrédients, à savoir un savant dosage entre histoire (l’intrigue se situe au 16ème siècle), fantastique, aventure et humour. C’est d’ailleurs une gageure d’entremêler ces différents genres et procédés, sans que l’un ne nuise aux autres ou à la cohérence de l’ensemble. Son scénario est écrit avec beaucoup de finesse, entraînant le lecteur sur deux intrigues simultanées, mais aussi vers les souvenirs de l’astrologue (ici sa rencontre avec Léonard de Vinci).

Le récit est foisonnant, riche et stimulant, sans jamais verser dans la confusion. La minutie de la construction touche aussi bien l’arrière-plan politique, artistique et scientifique que la consistance de chacun des individus, dépeints en quelques phylactères. Joutes verbales et traits d’humour viennent à propos pour détendre ponctuellement une atmosphère que les auteurs ont voulue sombre et oppressante.

Le dessin de l’espagnol Juan Luis Landa soutient parfaitement ce climat obscur et épique. Son trait précis et détaillé offre de l’élégance et de l’expressivité à tous les personnages, soignant aussi bien les visages (terriblement beaux ou laids) que les vêtements (riches ou en loque). Son talent explose dans des pleines pages somptueuses, adoptant aussi bien l’esthétique académique de la Renaissance que les canons du graphisme gothique. Le tout est démultiplié par une mise en couleur irréprochable et audacieuse, qui révèle un travail particulièrement impressionnant sur les effets de lumière.

Ce troisième tome de la série surpasse les deux premiers, empreints pourtant de bien des qualités. Brodant des intrigues subtiles autour d’une figure emblématique, remis à cette occasion dans sa réalité complexe d’apothicaire, de médecin, de savant et d’astrologue – et pas seulement comme auteur des prophéties – Raule confirme son talent de scénariste et Landa celui de dessinateur hors norme, encore peu connu de ce côté des Pyrénées. Cet album est incontestablement un Magnum Opus.

Moyenne des chroniqueurs
7.3