La horde du Contrevent 1. Le Cosmos est mon campement

C ela fait vingt-sept ans qu’ils sont partis de l’extrême-aval pour rejoindre l’extrême-amont. Leur but ? Remonter à la source du vent qui balaie en permanence la surface, faisant de l’existence une résistance permanente. Ils sont tous différents, mais si intimement liés. Ils s’affrontent, s’opposent, mais s’unissent et se retrouvent pour toujours avancer. Fort et fragile à la fois, ils forment la trente-quatrième Horde.

La sortie de La Horde du Contrevent est un petit événement, au moins pour ceux qui connaissent l’ouvrage complexe d’Alain Damasio, et certainement pour Éric Henninot qui s’est lancé dans cette adaptation dès 2011. Avec le consentement du romancier, il a fallu - comme il le déclare lui-même - qu’il réinvente la dramaturgie afin d’éviter de tomber dans l’abstrait ou le conceptuel. Si l’œuvre originelle parle de la Horde en polyphonie, il a choisi de faire de Sov, le scribe, son personnage central.

Il n’est pas question ici de comparaison avec le roman, mais bien de savoir si l’aventure proposée donne envie d’y participer. La réponse est positive et c’est même un grand OUI ! Pourtant, ce n’était pas gagné d’avance. D'abord, l’intrigue semble ténue : la recherche du lieu de naissance du vent dont personne ne sait s’il est atteignable ni seulement s’il existe. Ensuite, bien que tout se déroule en extérieur, il y a ce sentiment d'assister à un huis clos. l’attention est en effet constamment portée sur la Horde qui constitue à la fois un lieu que l’on ne quitte jamais et une entité vivante, qui vit et se nourrit des multiples interactions entre ses membres. Le défi consiste donc à donner corps à cette communauté, à faire ressentir toute la folie de leur quête et la force des liens qu’ils ont créés pendant des années d’épreuves constantes. Bien entendu, il faut également rendre presque palpable ce vent, multiforme et permanent, contre lequel ils luttent jour après jour, et qui d’oppressant peut très rapidement devenir destructeur et mortel.

Les planches d’Éric Henninot atteignent ces objectifs. Elles sont magnifiques tant leur composition, du découpage aux cadrages, en passant la gestion des bulles et les onomatopées – importantes sur une terre balayée par un souffle constant –, permet aux émotions et aux atmosphères de s’exprimer. Aux couleurs, la contribution de Gaëtan Georges pour dépeindre les grandes étendues désertiques balayées de poussière, les tempêtes et les paysages nocturnes est remarquable de justesse. La tension et la fébrilité s’installent promptement pour ne plus quitter le lecteur, l’embarquant sans coup férir dans la quête de ce groupe, sans bien savoir, pour le moment, s’ils sont d’authentiques héros ou des illuminés courant après une chimère.

Ce premier tome signé par un auteur inspiré, passionné et ayant manifestement fourni un travail acharné est une franche réussite.