Dark Museum 2. Le cri

Q uelque chose s'est emparé de son subconscient. Depuis le décès de son père en 1890, Edvard perd pieds, vacille et plonge dans une folie de plus en plus profonde. Dans la clinique de Copenhague où il est interné, l'arrivée impromptue de Marie Marne, une amie de Paris, pourrait provoquer un sursaut de lucidité. Lorsque le professeur Jacobson ouvre la cellule lugubre, la vision est effrayante : le peintre s'est tailladé les veines et de son sang, a contouré une tête, des yeux vides et une bouche ovale, esquissant sa propre détresse, figée. Cette expression, l'artiste l'a reproduite auparavant, un motif récurrent et inquiétant qui vire à l'obsession. Pour tenter de comprendre les méandres de l'esprit malade, un médecin pratique une séance d'hypnose d'où s'échappent des propos sibyllins : un crabe, de la poussière écarlate... comment traduire et surtout, guérir cette fracture de personnalité ?

Voici le deuxième tome de Dark museum, la série qui propose une genèse teintée d'épouvante aux œuvres picturales célèbres. Après American gothic, le duo d'auteurs Alcante et Gihef optent pour une toile hautement inspirante pour ce thème, le «Cri», du norvégien Edvard Munch.

À partir d'un fait scientifique avéré et d'un mythe indonésien, les scénaristes tissent une intrigue qui, mis à part la chronologie arrangée, apparait relativement cohérente au regard de sa dimension fantastique. Le sentiment d'inquiétude est instillé dès le début et évolue progressivement vers la terreur, parallèlement aux délires de l'être possédé. Il n'y a pas de héros à proprement parlé, la personnalité bestiale et chaotique de l'expressionniste n'engageant pas à l'empathie, mais ce simple visage étrange, empreint de malaise et d'une fièvre mystique qui le rendrait presque vivant tellement il est expressif. Cette interprétation horrifique surprend par son originalité, passant du froid de la neige au bouillant d'un volcan en furie, du sérieux de la psychanalyse à l'exotisme des légendes guerrières.

L'ambiance angoissante exsude des pages par le biais du jeu d’ombres et de traits fins de Luc Brahy (Imago mundi, Insiders genesis). La densité de son encrage est contrebalancée par les couleurs de Delphine Rieur qui rappellent celles du tableau, notamment les contrastes des tons froids et chauds qui traduisent idéalement l'alternance d'apathie et d'éclats de violence. Les scènes visuellement marquantes bénéficient d'un découpage plus recherché, marquant la progression dans la tension du récit.

«Le soleil se couchait. Il baignait dans les flammes, plongeait sous l'horizon. C'était une épée de sang enflammée qui coupait en deux la concavité des cieux. Le ciel était ciel de sang, strié de lames de feu. Le bleu, pâle et terne, le jaune et le rouge taillaient le fjord. Le rouge sang explosait et éclaboussait le sentier de la rambarde», ainsi s'exprimait Munch lorsqu'il évoquait son ressenti par rapport à sa création. Ne vous bouchez pas les oreilles, ouvrez grand les yeux et découvrez la version convaincante de l'origine de cet illustre «Cri».

Moyenne des chroniqueurs
6.0