Cyparis - Le prisonnier de Saint-Pierre

1902, Saint-Pierre est la Paris des Antilles. Les Blancs se la coulent douce, les Natifs sont à leur service, le rhum est bon, les filles de joie sont accueillantes et la forêt est luxuriante. Il y a certes le Pelée, mais ce volcan est éteint depuis longtemps. S’échappent cependant des fumeroles, accompagnées d’un parfum de soufre. Puis il y a les cendres. Cette suie est embêtante, car elle salit tout. Ce qui doit arriver arrive : la lave déborde et tue une cinquantaine d’habitants. Ouf, se disent ceux qui se sont trouvés à l’écart du chemin emprunté par la matière en fusion. Moins d’une semaine plus tard, la montagne explose de nouveau. Cette fois, 28 000 hommes et femmes sont foudroyés. Parmi les rares épargnés, Cyparis, qui a été protégé par les murs du cachot où il était emprisonné pour des broutilles.

Le récit de Lucas Vallerie est solide. Le romancier prend tout son temps pour dépeindre la nonchalance des insulaires, avant de raconter le sinistre, pratiquement jour par jour. Le chroniqueur établit son scénario en présentant une poignée de personnages : des notables, une villégiatrice, un prisonnier, un curé et quelques autres qui connaîtront presque tous le même destin. À travers ces figures très variées, il décrit la catastrophe avec quantité de détails, sans pour cela devenir didactique ou ennuyeux. Bien au contraire.

Les illustrations y sont certainement pour beaucoup. L’histoire est évidemment tragique, mais le dessin caricatural crée une distance avec le drame. Par exemple, lorsqu’ils fuient, les acteurs gesticulent et ont l’air hagard des Romains devant Obélix. Le découpage est généralement classique ; le dessinateur n’hésite pourtant pas à consacrer une page, voire deux, pour représenter la colline en furie ou, à l’inverse, à la diviser en une multitude de vignettes pour que le bédéphile réalise que nul ne peut se soustraire à la saute d’humeur géologique. La mise en couleurs est également réussie, notamment les cases grisâtres lorsque le fléau fait des siennes.

En fin de volume, l’auteur explique l’activité des volcans en général et celle de la terreur des Caraïbes en particulier. Ce dernier a suscité l’intérêt des scientifiques qui comprennent parfaitement sa mécanique particulièrement violente.

Avec un tel sujet, le lecteur pouvait craindre que l’ensemble ne sombre dans le pathos, ce n’est heureusement jamais le cas. Le bédéiste a été ambitieux avec son premier album et il a remporté son pari.

Moyenne des chroniqueurs
7.0