Les mille et une vies des urgences Les Mille et une vies des urgences

E n plus d’être interne aux urgences, Baptiste est un talentueux conteur d’histoires. Inutile de partir de la page blanche, lorsqu’on revêt une blouse de la même couleur, la matière se trouve à portée de main. Les patients, les collègues, les relations humaines, les pathologies, la matière est riche. Sept jours de garde permettent d’égrainer quelques souvenirs à voix haute, en particulier auprès de la patiente de la chambre 7…

Pour ne pas paraître trop jeune pour le rôle qu’il a à endosser, le futur médecin modifie son apparence. L’habit ne fait pas le moine, mais il contribue à vous faire gagner quelques points de crédit aux yeux de tout-un-chacun qui pousse la porte du service. « L’effet placebo », comme il le nomme, joue sur le malade. Côté livre, avec cette simple scène placée en ouverture, le pari est gagné ; pourtant, l’effet est autre : la distance entre homme de l’Art et lecteur est abolie. Le second est prêt à suivre le premier n’importe où dans les coursives du bâtiment, pour tout voir et entendre tout ce que ce type sympa a à raconter.

Sur un schéma finalement simple hérité d’un blog, Les mille et unes vies des urgences distille le plus souvent l’exposé d’un cas sur une page en conservant pour fil rouge les échanges privilégiés entre le conteur et Oiseau-de-feu. Le jeu des surnoms, de préférence attribués aux collègues soignants, est une autre clé de la proximité ressentie envers cette kyrielle de personnages attachants. Il y a ce qu’il faut de distance, d’humour bien dosé, de vécu, pour voir imprimées des émotions variées sur son visage durant la lecture.

Le sentiment d’immersion fonctionne, l’empathie envers l’équipe progresse et l’envie de prendre les uns – hyperactifs et en blouse - et les autres – immobilisés dans ses bras pointe la prochaine fois qu’on croise un de leurs semblables, avant de s’inventer une pudeur aussi anesthésiante que déplacée.

L’adaptation BD fusionne parfois deux personnages, la routine s’installe bien un peu sous l’effet mécanique de l’exposé, impossible cependant de ne pas aller au terme de ce joli livre à condition de se l’auto-prescrire en plusieurs prises. Là où la mort s’invite en arrière-plan pour une permanence sans pause syndicale, prête à bondir, le dessin restitue l’effervescence qui règne, la mise en couleurs balise efficacement les repères chronologiques ; bref, il y a de la vie ! Et quand c’est l’autre qui gagne quand même, il est certain qu’un nouveau challenge – qui n’a aucunement besoin d’être médicalement anthologique - pointera le bout de son nez, pour une nouvelle victoire.

Non exempts de failles, en apparence endurants au-delà du raisonnable, ces gens-là ne sont pas comme nous. Oui, ils savent aussi donner le sourire et prescrire une dose de positivité.

Moyenne des chroniqueurs
7.0