Gung Ho 3. Sexy Beast

I l est temps pour les plus jeunes de passer un cap. La punition qu'ils se sont vus infliger il y a quelques semaines ne remet pas en question la décision de Kingsten : une arme est confiée à chacun. C'est une lourde responsabilité qui leur est accordée même si, pour Zach, la vieille pétoire qui lui revient risque de lui exploser au visage au premier tir. Son ressentiment fond comme neige au soleil après une petit virée au bord de l'eau, en compagnie, entre autre, de sa dulcinée Yuki. Le répit est de courte durée car une attaque de rippers ruine la bonne humeur. Cette recrudescence d'intrusions entraîne une restriction des libertés de sorties. Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seule, le chargement volé ne sera pas remplacé. Alors que tous pensaient que la situation ne pouvait être pire...

L'atmosphère est lourde et menaçante comme un ciel d'orage. Les dissensions entre adultes et adolescents qui se sentent plus en prison que dans un refuge sont à leur apogée. Avec un Conseil soudé par des chantages sordides et des méthodes méprisables sous couvert du «bien de la communauté», les orphelins semblent bien plus matures.

Dans ce troisième tome, Benjamin Von Eckartsberg met encore plus en avant les deux frères Goodwooy : à l'inverse de Midas, tout ce que touche Archer est plombé, tandis que Zack se retrouve isolé. Cependant, à Fort Apache, les ennemis d'hier se révèlent être les alliés d'aujourd'hui. La scission latente est avérée et le cordon est coupé. Les rebondissements dramatiques confirment la richesse de l'intrigue qui n'hésite pas à faire se côtoyer le pire et le meilleur de l'Homme. Le côté extrême du survival offre un contexte propice au développement des rapports conflictuels entre les générations et les difficultés vécues à l'âge ingrat. Cette profondeur psychologique permet à Gung ho de sortir du lot de séries beaucoup plus frontales qui ne se cantonnent qu'à l'action.

Depuis le premier opus, le dessinateur Thomas Von Kummant a placé la barre très haut. Le traitement hyperréaliste donne un rendu ciselé qui sublime chaque case. L'ambiance des vues de nuit est aussi belle que celle de jour grâce à la colorisation qui dégagent une douceur rutilante qui charme l'œil sans le blesser. Les scènes d'affrontement avec les prédateurs sont très bien orchestrées, un véritable ballet sauvage. Les choix de plans variés (plongées, contre-plongées, zoom...) offrent une vision de chaque coin du camp pour aboutir à une immersion parfaite. Le rendu des textures et les gammes de couleurs se suffisent à eux-même grâce à la myriade de détails. Au final, si cet aspect «joli» étonne par rapport au contenu très sombre, l'artiste en a fait son atout et la force de la série.

Pour s'en sortir il y a deux solutions : abandonner son humanité ou s’entraider. Dans ce récit d'anticipation bluffant de modernisme et d’efficacité, l'accent est mis sur les difficultés intimes de la jeunesse dorée et son lot de rébellions contre toute forme d'autorité. Un état d'esprit qui fait écho de la nature hostile environnante.

Lire la chronique du tome 1