Les deux vies de Baudouin

B audoin travaille comme juriste. Dans son tiroir, il y a un bidule qui compte les jours d’ici sa retraite. Il en reste 6128. Le gratte-papier mène une existence paisible et gagne un bon salaire. Il aimerait pourtant changer de vie et devenir une vedette de rock, mais n’en a pas le courage, jusqu’à ce qu’il reçoive un signe du destin : un cancer incurable. Faisant ainsi face à une échéance, le jeune homme choisit, avec l’appui de son frère Luc, de réaliser ses rêves en profitant à plein du temps à écouler. Pour commencer : casser la gueule de son patron.

Dans ce copieux album de 271 pages, Fabien Toulmé a toute la latitude voulue pour développer son histoire et bien camper ses personnages, notamment en proposant un va-et-vient entre le présent et l’enfance. Dans une série de courts épisodes tirés de sa jeunesse, le héros est présenté comme le souffre-douleur d’un peu tout le monde, particulièrement de son frangin pour qui tout est facile. Le lecteur s’attache à ce protagoniste qui, comme bien des gens, a l’impression de passer à côté de sa vie. Il a cependant du mal à croire qu’à quelques mois de sa mort cette résurrection soit aussi sereine. La conclusion est malheureusement encore plus irréaliste.

L’auteur porte également la casquette du dessinateur. Son coup de crayon est joli, sommaire, mais très efficace. Ses acteurs sont rarement développés au-delà de l’esquisse et sont essentiellement caractérisés par la couleur de leurs cheveux et la forme de leur nez. Les décors sont eux aussi minimalistes, mais toujours justes et parlants. Parfois ils sont tout simplement occultés pour éviter que le lecteur soit distrait du propos. Dans la toute première case de l’album, le garçon dort dans un lit à une place, sur les murs des affiches de Led Zeppelin, les Doors et les Rolling Stone. En un dessin, le bédéphile a compris l’essentiel, sans qu’un seul mot soit prononcé. À la fin de la première planche, cravate au cou et mallette à la main, il se rend au travail ; à l’arrière-plan figure l’arche de la Défense. Encore une fois, rien n’est dit, tout est montré. Cela dit, cet album est loin d’être muet, il est même plutôt bavard.

Enfin, en tant qu’objet ce livre propose une intéressante caractéristique puisqu’il est imprimé sur deux types de papier : blanc pour les épisodes contemporains et crème pour l’enfance ; ces segments ont une très agréable allure cendrée.

Une très jolie fable qui se termine malheureusement abruptement avec une chute décevante. Il ne faut cependant pas bouder son plaisir car ce livre est dans l'ensemble fort agréable.

Moyenne des chroniqueurs
7.0