Spirou et Fantasio par... (Une aventure de) / Le Spirou de... 11. Le Maître des hosties noires (…

Le maître des hosties noires, suite et fin de La Femme Léopard, lui-même suivant de près Le groom vert-de-gris. Le disert Yann et l’appliqué Schwartz clôturent tout en longueur et en bagatelles leur Spirou. L’aventure reprend de plus belle dans cet album sentant bon les couleurs africaines d’antan. En effet, les héros arrivent sur le Continent noir pour aller prêter main-forte aux Urugolondoais, ils ont avec eu la sculpturale Aniota et, surtout, le précieux fétiche des femmes léopard. Rebelles mégalomanes, chercheurs allemands échappés de la défaite nazie, marabouts mal embouchés et autorités belges ne l’entendent évidemment pas comme ça, pour différentes raisons il va sans dire.

Le scénario aux tenants et aboutissants presque anecdotiques se révèle rapidement comme une successions de stéréotypes coloniaux et d'à peu près tous les clichés que la Belgique coloniale des années 30-40 a pu engendrer. À première vue, ce catalogue est amusant et l’utilisation forcée du parler bruxellois renforce encore plus le décalage entre métropole et terres conquises. Par contre, très vite en vérité, la faconde de Yann écrase littéralement tant l’action que l’esprit de la série. Certes, le but de la collection est d’offrir la possibilité à des créateurs de donner leur vision du titre. Dans le cas présent, tel un jouet déglingué à force d’avoir été martyrisé, Spirou, Fantasio et même Spip se retrouvent tellement déconstruits que leurs réactions finissent par sonner complètement faux.

À sa manière, Olivier Schwartz procède d’une façon similaire avec ses pinceaux. Son trait néo-classique oscillant entre celui de Jijé et celui d’Yves Chaland se montre pourtant à la hauteur de ses ambitions. Comme pour le texte, ses planches regorgent d’éléments et de petits détails souvent comiques. La mise en page soignée et le découpage au cordeau permettent de faire passer la sauce pour un instant, mais, sur la durée, la lecture se révèle quelque peu épuisante. Les amateurs de belles images pourront toujours se consoler avec les nombreuses grandes cases à la savante construction tout en profondeur. Oui, l’ensemble est riche et luxuriant comme la forêt urugolondoaise ; par contre, pour ce qui est de la lisibilité et du rythme, c’est une autre histoire.

Impressionnant, imposant, mais finalement étouffant et quasiment vain, Le maître des hosties noires est victime de son dessein de ne laisser aucune feuille de bananier (ou cornet de frites) retournée. On relèvera quand même la véritable prouesse graphique du dessinateur qui a certainement dû bien transpirer pour donner vie à la torride «dixième Province» belge.

Moyenne des chroniqueurs
6.0